DOSSIER - Psychiatrie, le choix a la crise
DOSSIER
par Élise LEBOUCHER, députée LFI-Nupes de la Sarthe - Le Journal de l'insoumission n°1781 (Janvier 2024)
La psychiatrie représente près de 10 % des dépenses de l’assurance maladie et le soin demeure majoritairement assuré par les agents du service public. L’Objectif National de Dépenses d’Assurance Maladie croît annuellement entre 2,5 % et 3 %, c’est-à-dire en dessous de l’inflation pour l’année 2024. Mais c’est encore moins pour la psychiatrie : la dotation concernant les activités de psychiatrie n’a augmenté que de 0,88 % entre 2014 et 2018, soit 78,2 millions d’euros. Dans le même temps, les hôpitaux ont subi près de 12 milliards d’euros de coupes budgétaires contraignant les établissements psychiatriques comme les autres à la faillite progressive et à la petite économie quotidienne : sur le matériel, sur l’équipement, sur le personnel et sur les salaires. Contre le soin, depuis trente ans, les gouvernements successifs ont fait le choix de la crise.
Avec le projet de loi de financement de la sécurité sociale 2024, adopté par l’autoritaire 49-3, la tarification à l’acte étend son emprise délétère sur l’activité psychiatrique.
L’activité ambulatoire, par exemple, sera financée par des forfaits variables selon le nombre d’actes par patient, et surtout sur la base de tarifs dégressifs. Il sera donc plus intéressant de recevoir vingt patients une fois, qu’un patient vingt fois : une logique financière aux antipodes de l’accompagnement nécessaire à la relation thérapeutique.
Une personne sur cinq est touchée par un trouble psychique chaque année, soit 13 millions de Français et il est important de noter que personne n’est épargné : Santé publique France révélait en juillet 2023 que 6 élèves de primaire sur 10 souffrent d’un trouble psychique. Pourtant 40 à 60 % des personnes qui le nécessitent ne sont pas pris en charge. Une conséquence directe du manque de moyens et du détricotage de la psychiatrie de secteur dont l’esprit visait à mailler le territoire de façon cohérente. Dans ce contexte, la crise de la psychiatrie est une bombe sociale à retardement.
Comme de nombreux secteurs médicaux, la psychiatrie souffre de la pénurie de professionnels qui conduit à une baisse des possibilités d’accueil et accélère la fermeture des lits et des services.
De surcroît, la discipline fait face à un abaissement des connaissances et une perte de savoir-faire. La formation d’infirmier psychiatrique, disparue en 1990, a laissé un vide jamais comblé. Les médecins généralistes font face à une recrudescence de patients porteurs de troubles sans toujours savoir accompagner ni pouvoir orienter.
Pourtant, face à ce diagnostic, le gouvernement ne souhaite rien régler. C’est pourquoi dans le cadre de l’étude du PLFSS, le groupe insoumis a porté sous la forme d’un « bouquet législatif » des propositions fortes en matière de financement, de maillage territorial, de formation et de dignité. Nous refusons l’extension de la tarification à l’acte (ou basée sur « la dotation à l’activité ») dont le mécanisme produira des effets contre-productifs. Nous réaffirmons la nécessité d’une psychiatrie de secteur dont la vitalité dépend de la bonne santé des Centres médico-psychologiques (CMP) et des Centres d’action médico-sociale précoce (CAMSP). Au-delà du financement et de la géographie, nous défendons un retour de la formation et le développement de la formation continue bénéficiant à tous les professionnels de santé. Aussi, et c’est l’essence de notre engagement, nous portons des propositions visant à garantir la dignité des patients, notamment en limitant les pratiques de contention et d’isolement devenus les symptômes du manque de moyens.
La psychiatrie est en crise, elle attend pour en sortir une vision orientée par les besoins des patients et de leurs proches, en rupture avec la gestion crépusculaire de la macronie.