
Vie Insoumise et contres pouvoirs

Ce week-end partout en France, des citoyen.ne.s soucieux de l’état de notre planète se sont mobilisés pour dénoncer une société de surconsommation qui a fait de la surproduction et de l’accumulation son projet de société. Un projet de société mortifère qui nous amène droit dans le mur.
Le Black Friday, symbole d’une société devenue folle
Journée de promotions massives, littéralement « vendredi noir », elle nous vient tout droit des Etats-Unis, et s’étend en général sur tout un week-end. Les débuts en France furent timides et essentiellement sur internet dans un premier temps, mais depuis 2016, de nombreuses enseignes s’y engouffrent désormais pour booster les ventes d’un mois de novembre généralement moroses pour leurs comptes. Le harcèlement publicitaire est alors à son comble : publicités racoleuses, spots publicitaires radios, télés, affichages publics omniprésents, mails à répétition invitant à ne pas rater ce grand weekend de consommation. Il faudrait être un ermite caché dans la forêt pour ne pas recevoir ces injonctions répétées à consommer. A la limite du message subliminal, le consommateur consomme. Selon une étude de RingCentral, ce sont près de 6 milliards d’euros qui seraient dépensés durant ces 4 jours allant du Black Friday au Cyber Monday, davantage centré sur le commerce en ligne. L’injonction s’étale alors au-delà de la seule journée du vendredi.
La théorie économique de l’offre qui crée sa demande est ainsi mise en pratique, puisque d’après un sondage de l’Humanité, 57 % des personnes ayant participé au Black Friday l’année dernière considèrent que le Black Friday les pousse à acheter des produits qui ne correspondent pas à leurs besoins. Les sites internet et commerce en ligne rivalisent de promotions et d’offres exceptionnelles alors même que plusieurs études ont montré leurs caractères frauduleux et trompeurs. Le but étant de rechercher l’achat compulsif chez le consommateur.
Amazon et son monde
Le commerce en ligne a été le premier à s’emparer et importer ce phénomène en France, à l’image de Amazon. Pour cette année encore, les ventes devraient atteindre des records avec près de 1,7 milliards d’euros. Or le commerce en ligne est une véritable catastrophe écologique et sociale. Produire plus, consommer plus, derrière les quelques clics depuis son canapé, c’est tout une chaîne logistique, de production et de transport qui se met en route. Sur le plan social, ce sont des cadences infernales et des contrats précaires pour les salarié.e.s, sans oublier l’évasion fiscale pratiquée massivement par ces grandes enseignes.
Un exemple d’action non violente à Besançon
Des entrepôts de Amazon à Lyon, au blocage de la Défense à Paris, partout dans le pays, les désobéissant.e.s étaient présent.e.s ce week-end, pour dénoncer cette journée, y voyant un symbole du capitalisme et de son toujours plus.
A Besançon, c’est plus de 200 personnes qui ont répondu à l’appel de ANV-Cop21 et d’Extinction Rebellion, en partenariat avec Attac et des gilets jaunes. Un changement d’échelle en terme de mobilisation qui en dit long sur la prise de conscience citoyenne de l’urgence écologique.
Ce samedi matin, 8H30, rendez-vous avait été pris sur un parking non loin de la cible choisie, la galerie commerciale du Géant Casino à Châteaufarine, pour mettre au point les derniers détails de l’action. 10h, des dizaines de caddys sont réquisitionnés pour bloquer les 3 entrées de la galerie commerciale. Façon tetris, les militant.e.s organisent le blocage, discutent avec les clients et les commerçants pour leur expliquer le sens de cette action. Les réactions sont multiples. Certain.e.s comprennent et soutiennent, d’autres y voient une atteinte à leur liberté de consommer… Cet argument mérite qu’on s’y arrête. Sommes-nous réellement libres quand les injonctions commerciales sont soigneusement organisées pour déclencher l’achat compulsif ? Sommes-nous finalement libres, quand on constate que ces achats ne répondent pas forcément à des besoins réels ? Enfin, sommes-nous véritablement « libres de consommer » quand c’est tout un écosystème qui se meurt ? Notre responsabilité collective face à notre bien commun, notre seul et unique écosystème, ne devrait-il pas nous amener à relativiser et modérer cette soi-disant « liberté de consommer » ?
De grandes et larges banderole sont déployées sur les façades du bâtiment. On peut y lire des phrases chocs : « Ils sont géants que si nous sommes à genoux », « Résistons aux profits », « La surconsommation détruit notre maison », « Jusqu’à liquidation des stocks ressources ».
11h, les forces de police pointent leur nez, les clients sont évacués, la galerie fermée. Victoire pour les ces 200 citoyen.ne.s qui ont réussi pour une matinée à faire bloc pour dire stop à cette société de la surconsommation. Ils resteront sur place, enchevêtrés, accrochés l’un contre l’autre et chantant jusqu’à 12h30.
Car la journée n’est pas terminée. L’après-midi fut plus légère avec l’occupation festive des passages Pasteur au centre-ville de Besançon. Jeux de société, terrain de foot, de badminton, de volley improvisés dans la galerie marchande. C’est au son de chants, farandoles et rires que l’après-midi s’est déroulée.
La désobéissance civile, l’outil d’une résistance citoyenne
On pourrait croire que ces actions ne sont pas grand-chose face au rouleau compresseur du capitalisme. Penser cela c’est oublier qu’elles s’inscrivent dans une stratégie globale de résistance citoyenne qui vise à provoquer la contagion d’une prise de conscience citoyenne et collective du péril écologique dans lequel nous sommes mais aussi à faire pression sur les décideurs politiques. Par exemple, le 9 décembre prochain, les député.e.s à l’Assemblée nationale auront à se prononcer sur un amendement au projet de loi anti-gaspillage, visant à interdire les campagnes de promotion du Black Friday. ANV-Cop 21 milite également pour l’interdiction « de toute nouvelle extension des zones commerciales, construction d'entrepôts comme Amazon, au profit de commerces de proximité créateurs de lien social dans le respect des impératifs climatiques et sociaux ».
Ces actions nationales visent donc à mettre sur la table des débats vitaux et inciter les élu.e.s à s’engager et à agir. Face aux puissants lobbys industriels et commerciaux qui gangrènent le pouvoir, la désobéissance civile est aujourd’hui plus que jamais l’outil d’une réappropriation citoyenne des grands enjeux et choix politiques qui devront être pris pour notre survie.
Plus que jamais, changeons le système, pas le climat.
Séverine Véziès

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