
Résistance

S’installer en tant que paysan-ne devient un vrai parcours du combattant-te. Trouver des terres pour cultiver est de plus en plus compliqué. Elles deviennent sujettes à spéculation. L’agro-industrie en s’accaparant les terres agricoles ne laissent plus place à la paysannerie. Tous les ans, ce sont 16000 paysan-nes qui disparaissent.
La mécanisation, les primes à l’hectare (plus on a de terres plus on a d’aides), la robotisation font partis des facteurs qui contribuent à la disparition du monde paysan. D’ailleurs, on ne parle plus de paysannerie mais d’agro-industrie. L’image d’Épinal du paysan s’étiole depuis la Révolution verte. Appliquée à partir des années 60, cette révolution « verte » avait pour but d’intensifier la production agricole par l’utilisation de semences à hauts potentiels de rendements, par la généralisation de la mécanisation ainsi que de la chimie (pesticides et engrais chimiques). Même si cette politique aurait, semble-t-il, permis d’éviter des famines, elle a surtout impacté massivement la biodiversité en polluant l’air, les sols et l’eau par l’usage intensif de pesticides ainsi que par la mécanisation accentuant les phénomènes d’érosion. L’accaparement des terres en est également une conséquence.
Alors que tous les voyants sont au rouge au niveau du changement climatique, cette politique capitaliste agricole n’est pas une fatalité. Une autre agriculture plus respectueuse de la nature et des êtres humains est possible. Ne pas prendre plus à la nature que ce qu’elle peut restituer. Et c’est en ça que l’installation de fermes à taille humaine est une priorité, et non pas le développement de fermes-usines. « Trois petites fermes valent mieux qu’une grande ».
Mais comment faire si les paysan-nes n’ont plus accès aux terres ? Comment reprendre la main sur les terres face à la spéculation foncière ?
Ce n’est ni le froid ni l’humidité d’une matinée hivernale jurassienne qui ont freiné les quelques 600 participant-es à la marche contre la spéculation et l’accaparement des terres agricoles organisée par la Confédération paysanne et Les soulèvements de la Terre le samedi 29 janvier 2022 à Passenans. C’est même dans la joie que tout le monde se rassemble à côté du cimetière de ce charmant village viticole. « Nous sommes le vivant qui se défend ! ».
Après une déambulation festive dans les rues, les manifestant-es se retrouvent au bas d’une parcelle de vignes en friche à la sortie du village. Cette parcelle n’est plus cultivée depuis de nombreuses années. Armé-es de sécateurs, de tenailles, de scies ou de tout autre outil, les défricheuses et les défricheurs de tout âge suivent les différentes consignes. En préambule, les organisatrices et organisateurs rappellent que cet acte de défrichage est illégal et que c’est en toute conscience de cette réalité que les participant-es agissent. Cet acte de désobéissance civile a pour but, non pas de saccager cette parcelle, mais au contraire de la remettre en état afin que de futur-es paysan-nes puissent s’installer pour y travailler. Le Jura, jusqu’à récemment, était assez épargné par ce phénomène de spéculation ou de montages sociétaires, il y avait encore une maîtrise des prix des terres. Contrairement à d’autres régions viticoles. Ces derniers temps, des parcelles situées sur Arbois ont été vendues aux enchères à des prix démesurés ainsi qu’un domaine viticole à Rotalier. Auparavant, une terre viticole sur Arbois pouvait se vendre à 35 000 €/ha, ce qui était déjà conséquent, dorénavant l’hectare se vend à 50 000€ dans un piètre état la plupart du temps. Ce qui signifie que ce sont des parcelles qui ne pourront produire suffisamment et devront à plus ou moins moyen terme être arrachées et replantées, ce qui engrange des frais conséquents pour l’exploitant-e. Et cette montée des prix n’est qu’un début. Cette situation ne peut continuer, seuls les investisseurs ou les grandes exploitations pourront se permettre l’achat de terres, au détriment des paysan-nes.
En l’espace de quelques heures, les piquets, les fils, la végétation sont retirés de la parcelle. Et pour récompenser l’effort, de la soupe et du comté sont distribués. Une chorale s’installe au pied de la parcelle pour entamer des chants de lutte. La chaleur n’émane pas seulement des quelques feux mais également des participant-es. Des bribes de conversation s’entremêlent aux rires. On parle collectif, entraide, sol, vin mais également théâtre, musique, écologie, avenir.
Mi-mars, le préfet du Jura a reçu la Confédération paysanne pour parler de la situation foncière agricole ainsi que de la parcelle située à Passenans. L’État se serait engagé à négocier avec les propriétaires afin que la parcelle puisse être de nouveau exploitée, et des repreneurs se seraient manifestés. Affaire à suivre…
Cette manifestation s’inscrit dans un tour de France des luttes avec également un rendez-vous, qui s'est déroulé ce samedi 2 avril à Besançon pour une marche contre la bétonisation aux Vaîtes.
Rachel Outhier
Crédit photo : Rachel Outhier

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