
Résistance

La politique du tout voiture et les politiques européennes d'austérité ont peu à peu fait disparaître des lignes de train. La ligne Lyon-St Etienne-Thiers-Clermont, fait partie de ces lignes de train qui ont subi les foudres de l'austérité bruxelloise. Un collectif citoyen s'est organisé pour exiger la réouverture de la ligne. À l'occasion de la seconde journée de mobilisation le 31 janvier 2021, dans la commune de Boën-sur-Lignon, nous nous sommes rendus sur place.
Né en septembre 2020, un collectif de citoyen.nes et d'élu.es pour la réouverture de la ligne
Depuis le 1er juin 2016, faute de financement de l’État français, la section Montbrison-Boën-Thiers qui s'étend sur 65,7 km entre St Étienne et Clérmont-ferrand était désactivée. Depuis l'année dernière, seule la partie Est entre Montbrison et Boën est de nouveau en service après deux ans de fermeture, grâce au financement de la région mais aussi de la communauté d’agglomération (pour un total de 8,5 millions d'euros). Le tronçon Ouest entre Boën et Thiers n'est quant à lui toujours pas accessible en train. Le coût de remise en état nécessite un investissement 35 millions d’euros. Un bus y dessert les anciennes gares, ce qui nécessite une correspondance.
Cependant la gare de Noirétable – récemment rénovée par la Région et par un fonds européen, quelques années seulement avant l’abandon de la ligne de train - a tout simplement été abandonnée. Le tableau d'affichage continue d'afficher les heures de passage des prochains autocars… qui ne desservent plus la commune.
Une situation considérée comme absurde par le collectif citoyen « le train 63 42 69 » qui regroupe plusieurs associations d'usagers. Il réclame la continuité ferroviaire entre St Etienne et Clermont-Ferrand.
Après une première journée de mobilisation réussie dans la commune de Noirétable le 18 octobre 2020, une seconde a eu lieu le 31 janvier 2021 en présence d'usagers, du collectif citoyen, des cheminot.e.s, de syndicats, d'habitant.es, d’élu.es locaux, de conseillers régionaux, de parlementaires, mais aussi de représentant.es des exécutifs de Lyon, St Etienne et Clermont-Ferrand, venu.es apporter leur soutien. Elle a rassemblé plus de 400 personnes.
Fermetures de lignes et abandon des territoires
Comme la ligne St Etienne -Clermont-Ferrand, 56 lignes et 120 gares ont été suspendues et/ou seraient menacées.
Les élu.es locaux présents aux rassemblement rappellent l’impact que peut produire une fermeture de ligne quant à « l’appauvrissement de l’attractivité » des localités desservies. Les communes de Chabreloche et Noirétable situées sur le tronçon Thiers-Boen sont actuellement en difficulté. La première a perdu 18,12% de sa population de 1968 à 2017 et 11,66% depuis 1990. La seconde 15% de sa population entre 1975 et 2017 et 7,62% depuis 1990. La fermeture d'une gare c'est « l'effet domino » et c'est « toute une région qui est dévastée ».
Pour Pascal Combes, coordonnateur du collectif le train 63 42 69 , « la fermeture des gares est synonyme d'enclavement supplémentaire pour les populations et limite l'installation de nouvelles familles. Les communes se vident de leurs habitant.es, puis de leurs commerces, de leurs services publics et autres activités économiques. »
Pour la conseillère régionale France insoumise, Émilie Marche, la fermeture des lignes ferroviaires a un impact concret sur le quotidien des gens : elle « contraint également les populations à des modes de transports plus polluants, le train étant un moyen de transport plus écolo que la voiture ou même les bus. Pour les habitant.es, les temps de trajets en voiture ou en bus allongent leur journées de travail, les trajets sont moins confortables, plus fatigants… Ce n’est pas la même chose de voyager en train ou en autocar. »
Bernard Bogialli, membre de la France insoumise, rappelle qu'aujourd'hui les lignes les plus fréquentées permettent à la SNCF de financer celles qui le ont le sont moins et que « l'ouverture à la concurrence imposée par l'Union Européenne va affaiblir encore plus le réseau . Les concurrents iront se placer uniquement sur les lignes rentables. Sans investissement de l’État pour maintenir les lignes, la SNCF n'aura pas d'autres choix que de se tourner vers les collectivités locales. Un phénomène que l'on observe déjà et qui explique les actuelles fermetures de lignes ». Le monopole de la SNCF sur le transport intérieur de voyageurs a pris fin le 13 décembre 2020.
Choix politiques, inégalités territoriales : les régions misent à contribution
Catherine Barra, de l'union locale CGT de Boën regrette que « le discours du 14 juillet 2020 d'Emmanuel Macron [qui indiquait vouloir le développement des « petites lignes » ferroviaires] ne s'est pas concrétisée dans les faits ». Et pour cause, ce sont les régions qui devront financer ces lignes dans le cadre des trains express régionaux (TER).
Les régions peuvent en effet soutenir les « petites lignes ». Mais certaines font d'autres choix politiques. C'est ce que regrette le porte parole des usagers d'Auvergne Pierre Pomarel «La région Auvergne-Rhône-Alpes, n'a pas financé la réouverture de la ligne Thiers-ST Etienne, mais n'hésite pas à financer des routes nationales, pourtant compétence de l’État ». Cette déclaration fait référence au dernier chantier en cours, celui de la RN88 qui va détruire 140 hectares d’espaces naturels et de forêts, dont au moins 20ha de zones humides, déplacer des cours d’eau, polluer un point de captage, ruiner 80 hectares de terres agricoles, toucher 29 fermes et exproprier des agriculteur·ice·s... 235,3 millions d'euros de fond régionaux seront investis dans ce projet sur un total de 264,3. « Un chantier historique pour la Haute-Loire » se félicitait le Président de Région Laurent Wauquiez, également Vice-Président de la communauté d’agglomération du Puy-En-Velay et qui par cette occasion ferra la promotion de son intercommunalité.... avec des fonds de la Région!
Pour la sénatrice PCF Cécile Cukierman, le désengagement de l’État français sur les régions pour le maintien d’un réseau ferré national qui pourtant lui appartient, n'est pas pertinent : « la région doit reprendre toute sa place dans le bras de fer avec L’État, la question n'est pas de payer à sa place, mais l’État doit se réengager . » Aujourd'hui les régions subventionnent à hauteur de plus de 4 milliards d'euros le transport ferroviaire (sachant que les recettes liées à l'achat des billets de train par les voyageurs ne couvrent en moyenne que 20% du prix du transport).
Pour Magali Romaggi, co-cheffe de file France insoumise pour les élections régionales AURA « Alors que les régions se voient attribuer de plus en plus de compétences, il existe de véritables disparités (géographiques, démographiques, économiques etc.) et la mise en concurrence des territoires crée une situation d'inégalités entre les régions. Faire reposer le maintien des lignes de train les moins fréquentées sur les régions, ne fera qu’accentuer les inégalités entre les territoires et les populations. D'autant plus que les budgets ne sont pas extensifs. » Les régions ne disposent pas de ressources propres (hormis la taxe sur l'immatriculation des véhicules) et sont dépendantes des transferts de la dotation d’État aux collectivités, une dotation décidée par l’État, qui a connu des baisses successives ces dernières années et qui se trouve déconnectée des besoins régionaux.
Pour Gabriel Amard, co-chef de fil France insoumise pour l’élection régionale en AURA « La nécessaire bifurcation écologique suppose de repenser nos modes de déplacement et de favoriser le transport collectif sur la voiture individuelle. Le train est un allié essentiel dans la lutte contre le réchauffement climatique et pour la lutte contre les fractures territoriales. Ce défi ne pourra être réalisé qu'avec un État stratège qui place le train au centre de sa politique de mobilité. La lutte contre le réchauffement climatique est incompatible avec les actuelles politiques de libéralisation du secteur ferroviaire ou de mise en concurrence des territoires ».
Un prochain rassemblement est prévu le 14 mars à 10h, gare de Thiers.
Anthony Brondel
Crédit-photo : Anthony Brondel

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