
Lire et sortir

Le 19 Octobre, sort en salle le nouveau film de Gilles Perret « Reprise en main ». Un thriller social et optimiste sur fond de mondialisation sauvage.
Au premier plan, il y a l’Arve. Cette vallée encaissée au beau milieu de massifs montagneux qui en imposent : le Bargy, la Pointe de l’Arbaron, le Mont Orchez ou la Montagne de Chevran. Vallée si proche et pourtant si éloignée de la frénésie grisante et consumériste des stations de sports d’hiver environnantes. Ici le travail est rude ; les hommes aussi. Les femmes aussi, d’ailleurs. A Cluses la vallée de l'Arve s'échappe de sa cluse, par un dernier tronçon particulièrement encaissé, pour s'élargir en une confortable plaine alluviale. La ville est austère. Conservatrice bien que populaire ; et son histoire chargée de nombreuses péripéties…
1715.
Le village de Saint-Sigismond au-dessus de Cluses voit la naissance de l’activité horlogère, en sous-traitance des grandes fabriques genevoises toutes proches. Les agriculteurs de la vallée, vivement intéressés par un complément d’activité hivernal, se forment alors aux techniques de mécanique de précision.
1844.
Les chalets - en bois - et les industries de Cluses sont entièrement détruites par un incendie ; les habitants sont contraints de quitter la ville. Afin de mettre fin à cet exode, on mise sur l’activité horlogère ; une École royale d'horlogerie y est même créée 4 ans plus tard.
1880.
Les nouvelles industries naissantes (cycles, motos, automobiles...), nécessitent l’utilisation de pièces métalliques de précision. Dans la ligne droite de l’industrie horlogère, une activité économique prometteuse va donc naître à Cluses. Celle du décolletage : Un minutieux travail d’usinage en série, qui doit fournir des pièces mécaniques de haute précision.
1904.
Les élections municipales sont remportées par une liste de notables conservateurs, notamment soutenue par Michel Crettiez, fils d’un des plus gros industriels horlogers de la ville, face à une liste portée par un conglomérat d'ouvriers syndiqués et de petits patrons républicains. Quelques jours après, sept ouvriers sont renvoyés de l'usine Crettiez pour avoir affiché leur soutien à la liste perdante. Une grève éclate mais retombe après l’arrivée de 300 soldats venus interdire toute manifestation. Le conflit reprend en juillet. Aux manifestations violentes, l'un des fils Crettiez répond en ouvrant le feu avec un fusil : 3 personnes sont tuées et 39 autres sont blessées. En novembre, les fils Crettiez sont condamnés et les ouvriers incriminés acquittés. Crettiez se verra dans l’obligation quelques temps plus tard de délocaliser son usine quelques kilomètres plus loin, à Sallanches.
1912.
C’est l’année durant laquelle se déroule l’action du roman « Les cloches de Bâle » de Louis Aragon. Dans cette œuvre, où se mêlent personnages réels, syndicalistes, industriels, policiers, hommes politiques de la Troisième République et personnages imaginaires, la grève des ouvriers horlogers de Cluses sert de toile de fond au récit.
1945.
La filière, après avoir servi l’armement durant la guerre, prend son essor durant des 30 glorieuses avec le développement des transports, et notamment de l’aéronautique.
2006.
Le film « Ma mondialisation » est à l’affiche. C'est le premier film de Gilles Perret à sortir en salle ; il sera ensuite diffusé sur Arte et France 3. Il recevra le Prix « Hors frontières » aux 16èmes rencontres du film documentaire « Traces de vie » de Clermont-Ferrand. Alors que depuis quelques temps, les plus grosses entreprises de décolletage de la vallée de l’Arve sont rachetées par des sociétés financières dont l'unique souci est la rentabilité maximale à court terme, Gilles Perret y montre, parfois avec humour, et le plus souvent de façon cruelle, ce choc des cultures entre l'industrie locale et l'univers de la finance.
2022 - 19 Octobre.
Sortie du film « Reprise en main ». Gilles Perret, devenu célèbre à la suite du très large succès rencontré par ses documentaires (Debout les femmes ! - J’veux du soleil ! - L’insoumis - La sociale - Les jours heureux - Walter, retour en résistance), se lance pour la première fois dans l’écriture de fiction. Pour Gilles Perret, « passer à la fiction est devenu de plus en plus évident. Ce sujet aurait été difficile à traiter en documentaire, les personnes auraient pu se mettre en danger vis à vis de leurs clients ou patrons. ». C’est donc le choix qu’il fait pour nous raconter l’histoire de la vallée de l’Arve, du décolletage et de ces traditions de luttes. L’histoire de Cédric et de ses collègues…
Comme son père avant lui, Cédric travaille dans une entreprise de décolletage. L'usine doit être cédée à un fond d’investissement. Epuisés d’avoir à dépendre de spéculateurs cyniques, Cédric et ses amis d'enfance tentent l'impossible : racheter l’usine. L’histoire mêle avec allégresse et gravité les tensions dans les flux de production, les mécanismes de rachat d’entreprises par effet de levier (LBO) et les rapports sociaux au sein d’une petite citée provinciale où tout le monde se connaît. Une sorte de Ken Loach, mais en savoyard et souriant, pour qui il était important de porter un discours optimiste. « C’est avec les affects positifs qu’on peut donner envie aux gens de se relever. Si avec ce film seulement 50 spectateurs se disent qu’ils peuvent eux aussi reprendre en main leur boîte, alors je serai heureux.»
Gageons que ce film, revigorant et enthousiasmant, saura redonner espoir et courage à de très nombreux spectateurs. Souhaitons-lui d’attirer en salle le large public qu’il mérite. Rendez-vous le 19 octobre dans les salles obscures.
par Bruno Isselin
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