
Lire et sortir

Le 4 Novembre, sort en salle un OVNI. Le premier (et dernier ?) film de Pierre Zellner, un jeune cinéaste plein d’idées et de talent. A l’affiche de son film : Bernard Arnaud, Vincent Bolloré, Carlos Ghosn, ou Patrick Pouyanné. Mais pas que …
On aurait pu craindre un film militant, un de plus, qui comme souvent, se contenterait d’être plus « militant » que réellement d’être un « film ». Mais il n’en est rien, bien au contraire !
Le pitch est simplissime : un groupe d’activistes décide de kidnapper les patrons du CAC 40 afin d'obliger Emmanuel Macron à mettre en œuvre, de mauvaise grâce, une politique anticapitaliste et éco-socialiste. Juste pour un an. D’où le sous-titre : « En 2020, Manu retourne sa veste ! »
Et là où Pierre Zellner réussit particulièrement brillamment son entreprise, c’est qu’il n’oublie pas de raconter avec humour cette fable très politique. Et ce, grâce à des choix scénaristiques et filmiques, ciselés, précis et inventifs qui vont permettre, au-delà du burlesque, d’aborder les questions, graves, de la radicalité, de la prise de pouvoir, de la résistance au changement, de la contagion du bonheur ou de « l’avant-garde éclairée du prolétariat ».
S’instaure alors une atmosphère théâtrale, prétexte au bon déroulé du propos, où tout y est :
- Unité de lieu : la planque de nos activistes. Ce huis clos va vite devenir lieu de tensions et vont alors se révéler les questionnements, les réflexions ou les colères qui traversent le groupe d’activistes. C’est la manière dont le réalisateur a choisi de mettre « sur la table la nécessité et les limites du recours à la violence, face à celle dont fait preuve le capitalisme ».
- Unité d’action : les geôliers téléguident l’action présidentielle en même temps qu’ils rééduquent les délinquants en col blanc par le travail manuel. Ce contexte d’attente immobile sera prétexte à l’un des plus savoureux ressorts comiques du film : Entre « Syndrome de Stockholm » et velléités grévistes, le film nous donne imperceptiblement à voir une prise de conscience sociale chez les captifs dont on sait pertinemment qu’elle n’aura jamais lieu dans la vraie vie. Elle nous montre par la même occasion que de la part des geôliers non plus, il ne peut y avoir de fraternisation avec les exploiteurs.
- Unité de temps : une année. Le temps que cette nouvelle politique sociale porte ses fruits et crée l’effet d’adhésion et d’entraînement escompté. Mais dans ce temps, plus court qu’il n’y paraît, la situation va échapper à nos activistes qui se retrouveront à devoir, dans la précipitation, courir après une réalité qui, fort heureusement – et c’est là un des points forts du film -, ne leur appartient plus.
Victor Hugo disait : « La forme c’est le fond qui remonte à la surface ». Pierre Zellner s’emploie avec brio à mettre cette maxime en application dans un film où il (se ? ) pose judicieusement la question : « Si on ne peut pas arrêter le capitalisme, la solution n’est-elle pas d’arrêter les capitalistes ? »
Bruno Isselin

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