ÉDITO : Déboulonner les indéboulonnables
par Séverine Véziès - Le Journal de l'insoumission n°1791 décembre 2024
Inexorablement, depuis plusieurs mois, la France s’enfonce dans une crise de régime démocratique et les débats autour du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la Sécurité sociale sont le théâtre d’un nouvel épisode. À l’heure où j’écris ces lignes, la première lecture à l’Assemblée nationale dévoile d’ores et déjà un bilan édifiant.
Le gouvernement Barnier n’a pas de majorité, son « socle commun » est profondément divisé et le Rassemblement national a été en première ligne dans la défense du bloc bourgeois. Non pas que le RN aurait changé de ligne politique, il a plutôt dévoilé au grand jour sa vraie nature : un parti raciste au service des intérêts des plus riches. L’imposture RN dévoilée, le Nouveau Front Populaire avec en tête de proue La France insoumise apparaît clairement comme la seule opposition réelle, crédible et efficace face aux soutiens inconditionnels du capitalisme financier ravageur. Un capitalisme en crise, qui n’a cessé de creuser les inégalités et de détruire notre écosystème, et qui face à sa remise en cause, pour assurer sa survie, assume de prendre le chemin de l’autoritarisme. « Il ne peut pas y avoir de choix démocratique contre les traités européens », disait Junker, alors président de la Commission européenne en 2015 face aux velléités du peuple grec. La démocratie ? Mais oui bien sûr, tant que ça file droit ! En France, on l’a appris à nos dépens, dès 2005 et le non des Français·es au traité constitutionnel européen, enterré deux ans plus tard.
20 ans ont passé et une poignée d’illuminés continuent de nous mener au chaos. Le chaos économique, social, écologique, démocratique et géopolitique.
Macron n’a finalement rien inventé, il a juste accéléré le mouvement depuis 2017. Pour cela, il a pu jusqu’à maintenant s’appuyer sur des institutions au service d’un exécutif voulu fort par De Gaulle lors de l’écriture du texte de la Ve République. Macron n’a d’ailleurs pas épuisé toutes ses cartouches, il lui reste l’article 16 et les pouvoirs exceptionnels.
Un outil qui pourrait lui permettre de donner le coup de grâce à notre démocratie. Alors oui, il doit partir. Et le moment politique que l’on vit pourrait en réunir les conditions. Dans les semaines qui arrivent, ce gouvernement sans majorité, affaibli, va jouer sa survie.
Projet de loi de fin de gestion 2024 fin novembre, retour à l’Assemblée des projets de loi de finances et de financement de la Sécurité sociale 2025 en décembre, les motions de censure vont se multiplier. Le mois de décembre pourrait être fatal pour le gouvernement Barnier. En témoigne la petite musique catastrophiste que l’on commence à entendre sur les plateaux télés : « si le gouvernement tombe, le budget est bloqué et la France est paralysée » ! Faux ! Martelons-le : il n’y a pas de risque de shut-down. Faire tomber ce gouvernement et rejeter son budget, n’empêchera pas l’adoption d’un budget minimum pour assurer la continuité de l’État, en attendant un nouveau débat budgétaire en janvier. Nous pourrons alors nous appuyer sur le Nouveau Front Populaire dont le contre-budget est solide, chiffré et juste.
L’invasion de sauterelles n’est donc pas ce qui nous attend si le gouvernement tombe. Par contre, il est vital de rejeter ce budget, dramatique sur le plan social, irresponsable sur le plan écologique et catastrophique sur le plan économique. Une fois la censure obtenue, « nous irons chercher » le véritable responsable de ce chaos : E Macron.