International

Après plus de deux siècles de pouvoir de l’oligarchie ultraconservatrice, la gauche de transformation sociale est au pouvoir en Colombie. La stratégie du « Pacto Historico », incarné par Gustavo Petro pour gagner les élections du 19 juin dernier, était claire : rassembler la population bien au-delà des organisations politiques existantes mais avec leur aide, sur une volonté de rompre avec « l'Uribisme », la guerre et les violences en tout genre.

Cette victoire est d’autant plus historique que le taux de participation a été le plus élevé de toute l’histoire démocratique du pays. Cela s’explique en grande partie par le «Vivir sabroso», le slogan de Francia Marquez, que Petro a su choisir comme LA colistière idoine pour s'assurer une victoire, même face au déroutant «Trump tropical», Rodolfo.

L’espoir suscité, bien au-delà donc de la personne de Petro, chez des populations qui ne se déplacent généralement pas, à l’instar des minorités ethniques indigènes et afro-descendantes, est immense. Un regard sur la carte électorale démontre ainsi que cette vague de mobilisation, dans les régions traditionnellement marginalisées du pays telles que les départements du Chocó (83%), du Putumayo (81%) ou de l’Atlántico (68%), a été décisive.

Pourtant, les choses ne s’annoncent pas de tout repos pour le gouvernement Petro - Marquez qui aura à résoudre plusieurs défis, tant structurels que conjoncturels, alors que le pays a connu depuis le COVID une augmentation inquiétante des taux de malnutrition.
Pour l’heure, l’équipe gouvernementale semble avoir défini deux priorités : la première, effectuer une réforme rurale afin de permettre au pays d’obtenir sa souveraineté alimentaire à travers l’acquisition et la redistribution de terres. Ceci au profit des “petits paysans” qui depuis des décennies subissent l’appropriation autoritaire des terres par les plus fortunés du pays, souvent en lien avec des opérations de blanchiment de l’argent du narcotrafic. L’objectif est donc de redistribuer à moyen terme 3 millions d’hectares «mal acquis» ou appartenant à l’État, dont 600 000 ont déjà été distribués aux populations rurales les plus défavorisées au cours des premières semaines de gouvernement.
La seconde est d’enfin mener à bien le processus de pacification du pays, qui héberge encore plusieurs groupes armés et groupes criminels qui contrôlent et parfois même gouvernent des pans entiers du territoire colombien. Le président Pétro cherche ainsi à appliquer les accords de paix de La Havane signés en 2016 entre les FARC-EP, plus ancienne guérilla au monde, et gouvernement colombien. En effet, l’opposition affichée par le gouvernement précédent du Macron local, Duque, à mettre en œuvre les accords de paix s’est traduite par le renforcement et l’émergence de groupes armés divers (ELN, Clan del Gofo). Ces acteurs armés sont à l’origine de l’assassinat, depuis la signature des accords de paix, de plus de 1300 leaders sociaux et environnementaux qui sont perçus comme des obstacles au contrôle territorial de ces groupes armés. La négociation et la démobilisation de ces groupes armés, ainsi que la réforme rurale que souhaite faire Petro, serait donc une rupture avec plus de deux siècles de violence à la fois sociale et armée.

Mais cette victoire de 2022 ne doit pas être sans lendemain. La droite dure, l'extrême droite et les conservateurs de tous poils sont déjà en action pour déstabiliser le gouvernement, amplifier les assassinats ciblés de leaders sociaux et/ou politiques trop dérangeants.

Construire et renforcer cette alternative dans la durée en Colombie passe non seulement par la capacité à rendre concrètes ces priorités politiques mais également à s’organiser en vue des échéances municipales et régionales de 2023 et des élections présidentielles de 2026 et 2030. Sur le continent, cela passe également par une victoire, aux présidentielles brésiliennes, de cette gauche de transformation. En sera-t-elle capable face au faciste Bolsonaro ? ( résultats non connus à l'heure de la rédaction )

“Uribisme” : Alvaro Uribe,ancien gouverneur, Président, oligarque et créateur des milices d'extrême droite, au pouvoir depuis plus de 30 ans de manière direct ou indirecte.

https://www.elcolombiano.com/colombia/desnutricion-infantil-en-colombia-se-incremento-en-2022-EF18599184

https://www.elespectador.com/economia/gobierno-colombiano-entregaria-mas-de-680000-hectareas-a-campesinos-afros-e-indigenas/

Photo de JCV - soirée electorale Pacto Historico (Petro – Marquez) – Bogota, hôtel Tequendama
1er tour – 29 mai 2022

par Jean-Charles VESCOVO et Esteban LOPEZ

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