
France

Augmentation du prix des pâtes, de l'électricité, du gaz, des loyers, du carburant... l'inflation pèse de plus en plus sur le budget des ménages. Selon les estimations de l'INSEE, elle sera de 5,5 % en moyenne sur l'année 2022. Du jamais vu depuis 1985 !
Dans le même temps, les profits des grands groupes français explosent.
En 2021, les bénéfices des multinationales du CAC40 étaient de 160 milliards d'euros, battant le record historique de 2007 de plus de 60% !
Hausse des prix et hausse des profits
Le 20 juin, les ONG Foodwatch et le CCFD-Terre solidaire ont appelé à une régulation des marchés agricoles afin de lutter contre la spéculation, qui "aggrave la flambée des prix alimentaires".
Selon les deux organisations, "Les marchés agricoles et alimentaires s'affolent pour deux raisons : d'une part, les entreprises et les négociants craignent une pénurie de blé, d'huiles végétales et d'engrais phosphatés en provenance de la région de la mer Noire (...). D'autre part, les paris financiers sur la hausse des prix des matières premières aggravent la flambée des prix des denrées alimentaires"
Selon l'avis même de Michel-Édouard Leclerc, qui a demandé une commission d'enquête sur les origines de l'inflation, « la moitié des hausses de prix » demandées par les industriels de l'agroalimentaire « ne sont pas transparentes et sont suspectes ».
Cette spéculation sur les prix ne se limite pas aux prix de l'alimentaire.
Prenons l'exemple du carburant
Patrick Poutanné occupe, depuis 2015, le poste de directeur général de Totalenergies. Depuis qu'il est à la tête du groupe, les actionnaires sont satisfaits de lui. En 2019, il a annoncé vouloir augmenter le montant annuel des dividendes versés de 6% par an ! Sur l'année 2021, Total a réalisé 16 milliards de profits, de quoi justifier une augmentation de sa rémunération de 52% soit 6 millions d'euros rien que sur l'année 2021.
Dans le même temps, le prix moyen du Gazole, selon l'INSEE, est passé de 1,31€ en janvier 2021 à 1,63 € en janvier 2022. Aujourd'hui il dépasse de loin les 2 € ! Face à cette situation, ni blocage des prix, ni blocage des marges. Bruno Le Maire réclame aux compagnies « un effort » de 6 centimes de moins par litre ! Des miettes...
Un budget carburant qui explose pour les ménages
Bertrand et Sarah ont 38 et 34 ans. Ils habitent un petit village de 650 habitant.es et sont contraints d'utiliser leur voiture dans leurs trajets du quotidien pour aller travailler, pour les courses ou pour déposer leurs enfants à l'école située à 12km de leur domicile.
Ils sont dans la moyenne nationale des ruraux et parcourent 22 000 km par an, contre 16 000 km pour l'ensemble des français.es. Lorsqu'ils se sont installés, la gare avait déjà disparu depuis plusieurs années, mais ce qui n'était pas prévu, c'est la fermeture de l'école du village.
Depuis qu'ils ont acheté leur maison il y a 4 ans, leur budget essence a doublé. Aujourd'hui, même si les deux travaillent, ils n'y arrivent plus. Cela fait plusieurs années déjà qu'ils ne partent plus en vacances et qu'ils se serrent la ceinture.
L'indemnité carburant ? Elle ne couvrira pas les dépenses supplémentaires. Le chèque alimentaire de 100 € ? Ils n'y auront pas droit. Augmenter leurs salaires ? Oui ! Comme 56% des salarié.es, selon OpinionWay, Sarah et Bertrand le réclament. Mais cela ne fait pas partie des plans du gouvernement.
Des augmentations de salaires partout en Europe
En Allemagne, le gouvernement augmente le SMIC de 22% (9,82 à 12 €) de l'heure à partir du 1er Octobre 2022, en Espagne, le SMIC a augmenté de 31,8 % depuis 2018, en France, le SMIC stagne.
Une augmentation de seulement 2,01% est prévue au 1er août, soit un smic horaire net qui va passer de 8,58 euros à 8,76 euros, de 1302,64 nets par mois à 1329,06 euros. Encore des miettes... Rappelons que l'inflation annoncée est de 5,5% sur l'année selon l'INSEE.
Élisabeth Borne demande aux entreprises qui le peuvent d'augmenter les salaires pour faire face à l'inflation. Là est le problème. Contrairement à l'Espagne ou l'Allemagne, le gouvernement refuse de légiférer, seule manière d'imposer l'augmentation des salaires.
Certains évoquent le fait que des augmentations de salaires dans le contexte actuel mettraient les TPE/PME en grande difficulté. Encore une fois, ceux-là se cachent derrière les petites entreprises pour ne pas partager les richesses. Cet argument ne tient plus à partir du moment où les TPE/PME pourraient être accompagnées par l'État. Se cacher derrière le petit pour cacher la luxure du gros, une technique bien rôdée, déjà utilisée lors de la Révolution française quand il s'agissait de s'attaquer aux privilèges du Haut clergé.
Pour l'augmentation des salaires, l'argent existe !
Pour la Macronie "Il faut créer des richesses avant de les redistribuer". Voici comment est justifiée l'absence de revalorisation salariale. Selon Forbes, les 5 milliardaires français les plus riches en 2022 ont ainsi vu leurs fortunes multiplier par 3,15 depuis l'arrivée d'Emmanuel Macron au pouvoir en 2017. Preuve en est que les richesses sont bel et bien créées, le problème, c'est leur accaparement par quelques-uns.
La progression la plus spectaculaire est celle de la famille Saadé. Propriétaire aux 3/4 du géant CMA CGM, cette multinationale dispose notamment d'un régime fiscal favorable et n'a payé que 2% d'impôt sur les société en 2021, malgré 16 milliards de profits !
Lors de l'examen de la loi pouvoir d'achat du gouvernement, François Ruffin a déposé un amendement proposant qu'il n'y ait pas d'exonération de cotisations sociales pour les entreprises qui ont des filiales dans les paradis fiscaux. Ni les député.es macronistes, ni les député.es RN n'ont soutenu.
En vérité le gouvernement et le RN ne défendent ni les intérêts de la France, ni les intérêts des salarié.es, mais uniquement ceux des grandes entreprises et de leurs actionnaires.

Les superprofits taxés en Europe
En Espagne, le gouvernement impose une taxation sur les bénéfices des banques et des géants énergétiques profiteurs de crise : un impôt exceptionnel de 7 milliards d'euros sur deux ans qui permettra de financer des mesures en faveur des classes moyennes et populaires.
À la rentrée, le train sera même gratuit pour les abonnements pour des trajets locaux et régionaux de moins de 300 km. Cette mesure intervient dans la lignée d'autres mesures, comme la réduction de 30% du prix des tickets de métros, de bus et de tramways.
Le Royaume-Uni a lui opté pour une taxe temporaire de 25% sur les bénéfices des géants pétroliers pour financer des aides similaires pour les ménages les plus défavorisés. L'Italie, de son côté, a aussi décidé de prélever 25% supplémentaires sur les bénéfices des grandes entreprises du secteur de l'énergie.
En France, les mesures du gouvernement sont non seulement insuffisantes pour faire face à l'ampleur de la perte de pouvoir d'achat mais qui plus est, elles sont financées par le contribuable et non par les profiteurs de crise :
Prenons les 9 mesures une par une1:
1- Revalorisation, de la prime d'activité, des retraites et des prestations sociales, parmi celles-ci, la pension de retraite de base, le RSA, la prime d'activité, les allocations familiales, ou l'allocation aux adultes handicapés : 4 % de hausse au 1er juillet, soit moins que l'inflation.
2- L 'augmentation du point d'indice des agents publics portée à 3,5 % qui là encore ne couvre pas l'inflation, alors que les agents de la fonction publique connaissent une perte de pouvoir d'achat chaque année depuis 2002 du fait du gel du point d'indice. Soit une perte cumulée de 20% en 20 ans.
3- Les bourses sur critères sociaux des étudiant.es revalorisées de 4 %, repas à 1 euro opéré par les CROUS, pour les étudiant.es précaires dès la rentrée 2022. 4%, c'est toujours moins que l'inflation et 73% des étudiant.es ne sont pas boursiers.
4- La suppression de la redevance audiovisuelle. D'un montant de 138 euros en métropole et 88 euros en Outre-mer, celle-ci concerne 27 millions de foyers en France. Cette suppression, dont on ne connaît pas les mesures de compensation, fragilisera le service public de France Télévision et Radio France, et remet en cause son indépendance et le pluralisme politique. Ceci dans un contexte déjà très problématique de concentration des médias entre les mains de quelques milliardaires.
5- Maintien du bouclier tarifaire sur les prix de l'énergie jusqu'à la fin de l'année 2022 qui limite l'augmentation du prix de l'électricité à 4 % – mais ne le bloque pas - et qui entérine, de fait, les augmentations successives du prix du gaz en stabilisant le prix au d'octobre 2021.
6- Mise en place d'une indemnité carburant pour les salarié.es aux critères flous d'un montant de 100 à 300 euros par véhicule et par actif, modulée selon le niveau de revenus et la composition du ménage. Elle comportera un « bonus » pour les personnes qui habitent à plus de 30 km de leur lieu de travail ou parcourent plus de 12 000 km par an dans le cadre professionnel.
La "remise carburant", mise en place le 1er avril 2022 avant les élections présidentielles, d'un montant de 18 centimes, devrait disparaître progressivement d'ici la fin de l'année (12 centimes en octobre, 6 centimes en novembre et fin du dispositif au 1er décembre).
Les actionnaires de Total peuvent dormir tranquilles ! La spéculation sur les prix se poursuivra et le Trésor public continuera de financer le trésor privé !
7- Rendre durable la « prime Macron » et tripler son plafond,
Mise en place à la suite du mouvement des gilets jaunes, cette prime peut être versée selon le bon vouloir de l'employeur, y compris pour une somme moins importante que les plafonds en vigueur : ainsi en 2021, seuls 4 millions de personnes étaient concernées, soit 16% des salarié.es pour un montant moyen de 506 € sur l'année 2021.
Face à ce laisser-faire, quel est l'intérêt de tripler le plafond ? Et d'exonérer de cotisation des primes pour des salarié.es qui gagnent jusqu'à 3 fois le SMIC ?
Cette prime n'a pas d'autres effets sinon d'éviter une augmentation des salaires et le paiement de cotisations, ressource de financement indispensable de la protection sociale des salarié.es. Rappelons que derrière les cotisations, ce sont des droits acquis pour les salarié.es et donc du salaire différé.
Lors de l'examen du texte du gouvernement, les député.es NUPES ont déposé de nombreux amendements concernant cette prime. En voici quelques-uns :
- Empêcher l'exonération de cette prime pour les salaires de plus de 7800 €/mois
- Instaurer une cotisation retraite sur cette prime
- Refuser l'exonération de cotisations sur cette prime pour les grandes entreprises
- Augmenter le plafond de la prime pour les outre-mer, là où les populations sont les plus touchées par l'inflation
- Refuser l'exonération de cotisations sur cette prime pour les entreprises qui ne respectent pas l'écart de 1 à 20 sur l'échelle des salaires
À chaque fois, en cœur, les député.es macronistes et du RN ont refusé de soutenir ces amendements.
8-Limitation de la hausse (sic) des loyers à 3,5 % maximum, dès le 15 octobre prochain pendant un an, soit une augmentation de 300 euros par an en moyenne par locataire. Cette mesure entérine donc une baisse de pouvoir d'achat, qui ne sera pas compensée – comme nous le verrons plus bas – par une revalorisation des APL.
Là encore, il est utile de noter que les députés RN, en commission des finances, ont voté contre l'amendement des députés NUPES, qui proposait de geler l'augmentation des loyers.
9- Une revalorisation des APL allant jusqu'à 3,5%, inférieure aux augmentations de loyer.
Qui plus est, beaucoup de ménages ne bénéficieront pas de cette revalorisation. Selon les bailleurs sociaux, 40% de leurs locataires sont sous les plafond APL du gouvernement et ne seront pas concernés. Rappelons que de 2017 à 2022, ce sont au total 15 milliards d'euros de coupe qui ont été effectués sur les APL.
Ces 9 mesures, dont le coût est estimé par le gouvernement à 20 milliards d'euros, ne combleront en rien la perte de pouvoir d'achat, elles limiteront seulement les effets. Le niveau de vie de la population va donc continuer de se détériorer.
Ces mesures seront financées par nos impôts, donc par l'ensemble de la population.
Encore une fois, via l'argent de nos impôts, l'État vient au secours d'un système pourri, sans mettre à contribution les responsables qui sont ceux qui profitent de la crise, ni mettre un terme à leurs pratiques.
La macronie aidée du Rassemblement National valide ainsi le hold-up organisé par les grands groupes qui spéculent sur les prix.
Le combat pour le pouvoir d'achat et même plus, le pouvoir de vivre, passe par des augmentations de salaires et non des primes et chèques insuffisants, distribués sous des critères fumeux. Derrière cela, il y a la question du partage des richesses. Un partage dont ne veulent ni la macronie, ni l'extrême droite.
Anthony Brondel
dessin : Kurt
1 Source : https://www.economie.gouv.fr/que-contient-projet-loi-pouvoir-achat-gouvernement

Abonnez-vous
Chère lectrice, chère lecteur,
Les équipes du Journal de l'insoumission travaillent d'arrache-pied pour vous offrir un magazine trimestriel et un site internet de qualité pour informer et participer d'une culture de l'insoumission. Nous améliorons sans cesse notre formule et nos thématiques : politique, climat, économie, social, société, international. Nous traitons de nombreux sujets avec sérieux et sous de nombreux formats : interviews, analyses, reportages, recettes de cuisine etc. Nous participons aussi à un nouveau média insoumis en ligne Linsoumission.fr. Le Journal de l'insoumission en devient le pendant en format papier et magazine. Les médias insoumis se fédèrent et s'entraident pour affronter la période et les échéances à venir.
Notre objectif est la vente en kiosque dans toute la France métropolitaine et d'outre-mers. Pour ce faire, nous avons plus que jamais besoin de vous. L’abonnement et les ventes sont actuellement notre seule source de financement.
Aidez-nous dans cette aventure. Soutenez le Journal de l’insoumission. Abonnez-vous.
Pour suivre les actualités du JI, abonnez-vous à notre newsletter. C'est gratuit.