
France

Fred Strappazzon est usineur depuis 9 ans à General Electric, il travaille dans l’atelier de fabrication des turbines hydrauliques servant à fabriquer de l’électricité dans nos barrages. Ce syndicaliste de la CGT représentant du personnel nous explique pourquoi leur combat c’est avant tout la défense de l’intérêt général. Depuis le mercredi 4 octobre avec ses collègues, ils bloquent le site. Le gouvernement n’a ni réagi ni répondu à leur interpellation.
Propos reccueillis par Emilie MARCHE.
Emilie MARCHE : Pourquoi avez-vous décidé de bloquer le site ce mercredi 4 octobre ?
Fred STRAPAZZON : Depuis deux mois nous attendons une réponse du gouvernent. Là il y a urgence, le 17 octobre, l’Etat perd ses parts et donc la possibilité de bloquer le PSE via sa minorité de blocage. Nous luttons depuis début juillet et l’annonce de ce plan social licenciant 345 emplois sur 800 car contrairement à la direction, nous respectons notre métier, notre savoir-faire et l’histoire de l’entreprise. Ce site fête cette année ses 100 ans, nous sommes devenus General Electric en 2014. Avant nous étions Alstom mais au moment de la création du site c’était Neyrpic et pour nous les salariés, dans notre cœur nous sommes toujours des Neyrpic car notre atout, c'est notre expérience unique au monde grâce au partage du savoir-faire technique qui est transmis de génération en génération.
EM : Pourquoi votre lutte contre les 345 suppressions de postes est-elle de l’ordre de l’intérêt général ?
FS : Ce site fête cette année ses 100 ans. Nous avons donc 100 ans d'expérience et de savoir-faire industriel. Aucune école ne forme sur la fabrication des turbines hydrauliques. Quand je suis arrivé à l’atelier ce sont les anciens qui m’ont formé sur le tas du coup cela fait plusieurs générations de transmission de savoir-faire. Si avec mes collègues, nous sommes licenciés, nous partons avec le savoir-faire et cette expérience acquise depuis plusieurs générations. Toute cette richesse, cette technicité disparaitra en France car nous sommes les seuls dans le pays à savoir fabriquer ces turbines hydrauliques pouvant atteindre 6 mètres de hauteur. La direction prend donc cette décision gravissime d'enlever 100 ans d'expérience des ouvriers, des techniciens, des ingénieurs et chercheurs.
Ce site est leader mondial, alors pourquoi de General Electric prend-elle la décision de supprimer des emplois ?
FS : Pour eux nous sommes 20 % trop cher, General Electric ne s'intéresse qu'à la rentabilité à court terme. Ils ne regardent que les chiffres mais ne voient jamais que nous faisons un travail de haute qualité et que nous sommes reconnus dans le monde pour cela. Tous nos clients sont satisfaits de notre travail et souhaitent continuer à travailler avec nous. Nos produits durent dans le temps grâce à notre savoir-faire technique. En plus de l’atelier de fabrication des turbines, nous avons celui qui teste le produit en modèle réduit et qui répare, les erreurs des autres ateliers dans le monde. Les chinois n’ont pas notre expérience et nous avons énormément de pièces qui nous arrivent de Chine car il y a des défauts. C’est donc un risque pour la sécurité des barrages s’il y a un souci.
EM : L’hydraulique est bien un secteur d’avenir ?
FS : Oui, actuellement, c'est la seule énergie qui est stockable et réutilisable. Nous sommes les seuls en France à savoir les fabriquer. Nous sommes aussi le seul site mondial à avoir l’atelier et le laboratoire sur place, nous faisons tout du prototype en modèle réduit jusqu’à la turbine de 6 mètres de hauteur et tout est testé sur place grâce à notre laboratoire. Ici, et c'est unique au monde, les ouvriers, ingénieurs et chercheurs sont dans le même site et travaillent ensemble. Dans les accords de Paris dont la France est signataire, l'énergie hydraulique devra être la première source d'énergie renouvelable. La France doit conserver son indépendance énergétique et par conséquent nous devons garder nos emplois et conserver l’outil de travail. L’hydraulique c’est aussi une activité cyclique au niveau des commandes. La direction joue sur cette phase cyclique pour tenter d’expliquer ce plan social.
EM : Si c’est un secteur d’avenir et que le site est viable alors pourquoi le gouvernement ne réagit pas depuis deux mois ?
FS : Il suffit de regarder le documentaire « Guerre Fantôme » sur LCP. Il y a un maillage, une collusion entre la classe politique et General Electric. Nous salariés, nous demandons au gouvernement qu’il s’intéresse à l'industrie et aux travailleurs. Nous aimons notre travail, nous le faisons sérieusement, nous voulons continuer à fabriquer ces turbines et à poursuivre cette histoire industrielle commencée il y a cent ans. Lors de la fusion avec Alstom en 2014, General Electric s'était engagé à créer 1000 emplois et à n'en supprimer aucun. Le gouvernement doit contraindre la direction de General Electric à respecter cet accord au lieu de d'essayer de nous faire taire et de monter les gens les uns contre les autres.

Abonnez-vous
Chère lectrice, chère lecteur,
Les équipes du Journal de l'insoumission travaillent d'arrache-pied pour vous offrir un magazine trimestriel et un site internet de qualité pour informer et participer d'une culture de l'insoumission. Nous améliorons sans cesse notre formule et nos thématiques : politique, climat, économie, social, société, international. Nous traitons de nombreux sujets avec sérieux et sous de nombreux formats : interviews, analyses, reportages, recettes de cuisine etc. Nous participons aussi à un nouveau média insoumis en ligne Linsoumission.fr. Le Journal de l'insoumission en devient le pendant en format papier et magazine. Les médias insoumis se fédèrent et s'entraident pour affronter la période et les échéances à venir.
Notre objectif est la vente en kiosque dans toute la France métropolitaine et d'outre-mers. Pour ce faire, nous avons plus que jamais besoin de vous. L’abonnement et les ventes sont actuellement notre seule source de financement.
Aidez-nous dans cette aventure. Soutenez le Journal de l’insoumission. Abonnez-vous.
Pour suivre les actualités du JI, abonnez-vous à notre newsletter. C'est gratuit.