Europe

Quel est ton bilan après cette première année de mandat ?

Mon sentiment général, c’est que tout est fait pour nous couper de la réalité. C’est pour ça que je veux faire un travail parlementaire sérieux tout en étant présente sur le terrain en soutien aux mobilisations sociales, ou que j’ai lancé une initiative 1 000 bornes dans une Europe en berne, un parcours à vélo à la rencontre d’acteurs de terrain. Sur ma première année de mandat, j’ai à la fois eu des colères avec le vote de l’accord de libre-échange avec le Vietnam malgré notre mobilisation. Mais je retiens aussi une victoire : le rejet de trois candidats à la Commission européenne en raison de leurs conflits d’intérêts. Pour une fois que l’éthique prime sur le fric...

On te prend toujours pour une assistante parce que tu es une jeune femme ?

C’est un symbole mais ça illustre une réalité profonde : le parlement européen est un monde d’hommes aux cheveux gris. Et c’est caricatural dans la Commission des affaires économiques où le sexisme est quotidien. Parce que les chiffres, c’est sérieux, donc forcément une affaire de mecs... Après, il ne faut pas se voiler la face : c’est la même chose en France. Lorsqu’on se mobilise autour de symboles féministes comme les Rosies, on nous ridiculise. Lorsqu’on se lève et on se casse, on nous traite d’hystériques. La différence aujourd’hui, c’est qu’on ne se laisse plus intimider.

Tu parles souvent des lobbies : comment ils agissent au niveau européen ?

Les lobbies sont partout : mon rôle est d’abord de les exposer pour montrer que le problème est systémique. C’est pour ça qu’on les comptabilise avec le hashtag “liaisons dangereuses” et que j’en parle dans ma vidéo hebdo “le coin des lobbies”. Ils sont inventifs en plus : pantouflage de gens qui passent du public au privé, cadeaux aux députés pour influencer leur vote, financement de campagnes électorales, rôle d’expert auprès de la Commission, etc. La seule solution, c’est de réguler : je me bats donc pour une autorité indépendante de contrôle éthique.

Comment juges-tu la réaction de l’UE face à la crise sanitaire ?

Le premier constat, c’est l’absence totale de coopération. On se souvient tous de la triste bataille entre Etats pour se piquer des masques et des respirateurs au lieu de faire une planification sanitaire commune. Plus généralement, cette crise a exposé les failles des dogmes européens : pénurie de médicaments à cause du libre-échange, systèmes de santé épuisés par l’austérité, etc. Les libéraux n’en tirent aucune leçon : à ce niveau-là de dogmatisme, c’est du fanatisme ! Notre rôle à nous est à la fois de lancer l’alerte sur ce qu’il se passe au niveau européen mais aussi de proposer un autre chemin qui remplace le triptyque libre-échange, austérité et croissance par relocalisations, solidarité et protections.

Penses-tu qu’on peut engager la bifurcation écologique malgré la récession ?

On est face à une double crise : une récession sans précédent et une accélération du bouleversement climatique. Face à ça, le consensus qui est en train de naître en Europe sur le plan de relance n’est pas le bon. Le montant global est insuffisant, le contrôle démocratique est absent, et on va encore mettre un couteau budgétaire sous la gorge des Etats. Pour moi il y a deux priorités. D’abord, financer un Green New Deal en taxant la finance, les multinationales, le dumping aux frontières. Ensuite, conditionner les aides publiques aux grandes entreprises à des engagements écologiques et sociaux.

Comment faire pour éviter que les peuples ne paient la note de la crise ?

La France va prendre 20 points de dettes en un an. Si on refuse de traiter ça, les libéraux vont s’en servir d’excuses pour nous imposer des décennies d’austérité alors qu’on a besoin d’investir massivement dans la reconstruction écologique et la société du soin. Même des libéraux commencent à parler d’annulation de la dette ! La Banque centrale européenne peut le faire puisqu’elle détient 20% de notre dette. En parallèle, il faut augmenter massivement les impôts de ceux qui ont le plus et contribuent le moins, notamment les grandes fortunes, les actionnaires et les entreprises qui se sont enrichies pendant la crise. Il faut marcher sur deux jambes, monétaire et fiscale, sinon ce sont encore les peuples qui paieront la crise. Et la conséquence sera terrible !

Baptiste Spilers

 

 

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