
Climat à la loupe

Depuis le fameux "make our planet green again", pour l'écologie il restera de Macron 1 la démission de Nicolas Hulot et la décision du tribunal administratif de Paris jugeant l'Etat responsable de "manquements dans la lutte contre le changement climatique" et l'obligeant à réparations.
En 2022, Macron 2 découvre le concept de planification écologique, emprunté à la France Insoumise, mais sans en trouver le mode d'emploi. Et question transition, avec le discours de Belfort en février, tout est dit : renaissance du nucléaire, coup de frein sur l'éolien, sobriété énergétique par l'innovation… Le gouvernement Borne 2 suivra bien sûr cette feuille de route. Sans état d'âme.
Avec pour 1er ministre "chargée de la planification écologique et énergétique" Elisabeth Borne, ancienne ministre des transports (la réforme du statut de la SNCF, l'ouverture à la concurrence, l'abandon du fret, c'est elle…), qui en 11 mois de ministère de la transition écologique a surtout mis en œuvre quelques lois préparées par Nicolas Hulot. Mais qui s'est distinguée par le fait d'avoir retourné sa veste sans aucune explication à propos du "Technocentre" prévu à Fessenheim. Il s'agit d'une série de fours destinés à fondre puis écrémer les ferrailles faiblement radioactives des installations françaises (on parle d'1 million de tonnes) avant de les relâcher dans l'industrie courante. En février 2020, Madame Borne estimait que ce projet n'était pas "une piste facilement concrétisable", et en avril 2020 promettait des "dérogations ciblées permettant, après fusion et décontamination, une valorisation des déchets radioactifs".
Avec comme 11ème ministre Christophe Béchu, ministre de la "Transition écologique et de la Cohésion des territoires", parfaitement inconnu dans le domaine de l'écologie : sénateur de 2011 à 2017, avec aucun dossier (sur 88 recensés) sur lequel le nouveau ministre est intervenu qui concerne – même de loin – l'écologie ou l'énergie… N'empêche, il faudra se souvenir de son soutien public à la prolongation du nucléaire au-delà de 40 ans, son opposition à l'interdiction des néonicotinoïdes, et… au mariage pour tous (mais cela ne concerne pas l'énergie…). Oui, il a planté des arbres à Angers. Mais il faut reconnaître que le beau classement d'Angers comme "1ère ville verte" ne concerne que les espaces verts, et pas du tout la gestion écologique de la ville (transports, pollutions, déchets, GES, énergies…)
Quant aux cinq ministres "délégués auprès du ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des Territoires", et leurs attributions, on peut juger des priorités réelles du nouveau gouvernement : Clément Beaune, chargé des transports, ancien conseiller Europe de Macron et ex-ministre délégué chargé de l'Europe. Olivier Klein, chargé de la ville et du logement, maire de Clichy-sous-bois, transfuge du PC à Macron en passant par le PS, inconnu pour ses engagements écologistes. Caroline Cayeux, maire de Beauvais et chargée des collectivités territoriales. Dominique Faure, ex-Motorola, Cegetel, SFR…, députée et membre de la commission des finances, aujourd'hui chargée de la Ruralité peut-être parce qu'elle est maire d'une commune urbaine de plus de 10 000 habitants ? Reste Bénédicte Couillard, chargée de l'écologie mais dont l'engagement –respectable s'il en est- a concerné l'égalité femmes-hommes, sans trop de rapport avec l'écologie…
Comme on le voit, au ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des Territoires, ce sera la deuxième mission qui prendra l'avantage, avec une écologie visiblement limitée à la seule rénovation urbaine…
Reste en n° 12 (sur 17) la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher. Connue pour ses polémiques sur la retraite par capitalisation, elle a été distinguée par une casserole d'or de l'association Anticor pour avoir tenté de dissuader plusieurs élus d'opposition de saisir le Conseil constitutionnel sur le projet de loi ASAP et de s'être illustrée par ses aller-retours public-privé (cabinets d'audit, industrie automobile…). Ancienne ministre déléguée à l'industrie, qui pour elle n'est pas "le problème", mais "la solution". Après le discours de Macron en février sur le renouveau du nucléaire, le refus de la sobriété énergétique et l'appel aux innovations de start-ups, il n'y a pas de quoi s'étonner de voir une ancienne ministre de l'industrie chargée de la transition énergétique.
Cerise sur le gâteau : sur les 13 membres de son cabinet, un conseiller pour la "Réforme des marchés de l'électricité et Filière nucléaire", un autre pour" Approvisionnement gaz et pétrole et Pouvoir d'achat", un troisième pour "Énergies renouvelables et Filières industrielles", une dernière sur "Décarbonation, Sobriété et Efficacité énergétiques". Le reste sur les budgets, la communication… Quatre sur treize, et encore, seulement deux sur une réelle transition. C'est tout dire…
A peine nommé, le 7 juillet, ce gouvernement prend deux décrets, donc sans débat aucun, signés de Borne, Pannier-Runacher et Béchu pour déclarer le projet CIGEO – le futur centre d'enfouissement des déchets hautement radioactifs à Bure – d'utilité publique, et même d'intérêt national. Sans que ces ministres n'aient pris le temps de comprendre le dossier. Parfaite illustration !
A voir ces ministres, ces ministres délégués, ces membres de cabinets on aura compris que le problème du nouveau gouvernement ne sera pas de se lancer dans la lutte contre le changement climatique par la transition énergétique, mais plus simplement de poursuivre la politique néo-libérale qui voit en la croissance illimitée du PIB la solution à tous les problèmes. Et d'attendre la fin du mandat... Après tout, les chantiers des futurs EPR2 ne seront lancés au mieux qu'en 2028… Après Jupiter, voici le cirque Macron et ses pieds nickelés équilibristes.
Jean-Marie Brom

Abonnez-vous
Chère lectrice, chère lecteur,
Les équipes du Journal de l'insoumission travaillent d'arrache-pied pour vous offrir un magazine trimestriel et un site internet de qualité pour informer et participer d'une culture de l'insoumission. Nous améliorons sans cesse notre formule et nos thématiques : politique, climat, économie, social, société, international. Nous traitons de nombreux sujets avec sérieux et sous de nombreux formats : interviews, analyses, reportages, recettes de cuisine etc. Nous participons aussi à un nouveau média insoumis en ligne Linsoumission.fr. Le Journal de l'insoumission en devient le pendant en format papier et magazine. Les médias insoumis se fédèrent et s'entraident pour affronter la période et les échéances à venir.
Notre objectif est la vente en kiosque dans toute la France métropolitaine et d'outre-mers. Pour ce faire, nous avons plus que jamais besoin de vous. L’abonnement et les ventes sont actuellement notre seule source de financement.
Aidez-nous dans cette aventure. Soutenez le Journal de l’insoumission. Abonnez-vous.
Pour suivre les actualités du JI, abonnez-vous à notre newsletter. C'est gratuit.