Climat à la loupe

« Make our planet great again ». En 2017, détournant le slogan de campagne de Donald Trump, Emmanuel Macron s'était assuré un succès facile sur les réseaux sociaux. Avant d'ajouter durant son mandat « Je ne crois pas au modèle Amish ». Tellement pas que Nicolas Hulot, nommé ministre de la transition écologique, a dû se résoudre à quitter ses fonctions en août 2018 après être arrivé à cette conclusion : « Je ne veux plus me mentir. Je ne veux pas donner l'illusion que ma présence au gouvernement signifie qu'on est à la hauteur sur ces enjeux-là.». Conclusion qu'il est loin d'être le seul à partager. Concernant l'inaction climatique, « Le gouvernement est responsable» selon Oxfam France. « En tant que citoyens et citoyennes de France, nous venons rappeler que le président Macron figure parmi les pyromanes du climat, et non parmi les pompiers. Sa politique climatique est désavouée par les scientifiques, par les jeunes, et même condamnée par la justice française. En tant que pays riche et qui plus est hôte de la COP21, la France devrait être exemplaire, mais elle ne respecte même pas ses propres engagements dans le cadre de l'Accord de Paris » affirme, quant à elle, l'association Action non-violente COP21. Même son de cloche pour la présidente du Haut Conseil pour le Climat, « le plan de reprise proposé par le gouvernement ne va pas dans le sens de nos recommandations » : « Les aides ont été allouées vers des secteurs très émetteurs — comme l'automobile ou l'aviation —, sans conditionnalité ferme concernant leur évolution vers une trajectoire compatible avec les objectifs climatiques ».

Pourtant, le 15 décembre 2021, pendant 2 heures, Emmanuel Macron dressait sans vergogne son bilan sur TF1 et pas un mot sur l'écologie, si ce n'est pour affirmer que jamais aucun chef d'État n'avait autant fait pour le climat. Vraiment ?

En réalité, il s'avère que les mesures prises ont été limitées, différées et incomplètes et surtout largement en deçà des promesses lancées avant et pendant le quinquennat, comme le montre le comparatif ci-dessous :

2017 : interdiction du glyphosate, le pesticide le plus utilisé, cancérogène probable, présent dans l'urine de 99,8 % des Français.
2019 : réautorisation du glyphosate jusqu'en 2025.

2018 : interdiction des néonicotinoïdes, insecticides tueurs d'abeilles.
2020 : réautorisation temporairement des néonicotinoïdes

2019 : Mise en place de la Convention citoyenne pour le climat à la suite de la mobilisation des Gilets Jaunes.
2021 : 90 % des propositions (soit 134 mesures sur les 149) n'ont pas été reprises par l'exécutif. Seulement 15 ont été retranscrites telles quelles.

2017 : 12 millions de Français souffrent de précarité énergétique. Le candidat Macron  s'engage à supprimer les passoires énergétiques en 10 ans, dont la moitié avant 2022.
2022 : Le ministère du Logement chiffre à 4,8 millions le nombre de passoires thermiques et à 12 millions le nombre de Français qui souffrent de précarité énergétique.
2022 : La FNAIM annonce « 7 à 8 millions » de passoires énergétiques dans le pays

2017 : doubler les énergies renouvelables l'éolien & photovoltaïque en 5 ans.
2020 : La France est le seul pays européen à ne pas avoir atteint son objectif d'énergies renouvelables
2021 : augmentation inférieure à 60 %.

2017 : Emmanuel Macron promet de réduire la part de l'énergie nucléaire 50 % à l'horizon 2025.
2020 : Seule 1 centrale (Fessenheim) a été fermée. Malgré les 5 réacteurs (sur 56) à l'arrêt du fait de problèmes de corrosion et de 7 autres qui vont faire l'objet d'arrêt prolongé, la baisse de la part du nucléaire reste inférieure à 5 % en 5 ans passant de 71,6 % à 67 %. L'objectif “50%” a été repoussé à 2035.

La limitation d'accès des véhicules polluants au centre des grandes villes, a surtout servi à contenir la pauvreté dans les zones périphériques. La prime à la conversion a surtout permis aux 800 000 Français parmi les plus aisés de changer de véhicule.

Depuis 2017, plus de 100 gares ont été fermées, alors que la fermeture des lignes aériennes intérieures en cas d'alternative par le train ne concerne que 5 lignes et que 17 milliards d'aide post-Covid ont été octroyés au secteur aérien.

Entre 2016 et 2020 la part des véhicules électriques a augmenté de 4,7%, pendant que celle des SUV a augmenté de 13% et que l'interdiction de publicité pour ces véhicules, les plus polluants, ne sera appliquée qu'en 2028.

Aucune contrepartie à la baisse des impôts de 10 milliards d'euros par an, n'a été demandée aux entreprises bénéficiaires dont l'activité est plus polluante que la moyenne

Mais le candidat En Marche est-il le seul à se tromper sur la situation écologique et les choix politiques vers lesquels s'engager ?

Du coté de Marine le Pen, le 7 Avril 2019 le président par intérim de son parti, le Rassemblement National, Jordan Bardella affirmait lors du « Grand Rendez-vous » Europe 1 - CNews - Les Echos que « le meilleur allié de l'écologie, c'est la frontière». Le RN considère peut-être qu'à l'image du nuage radioactif de Tchernobyl, le réchauffement climatique va s'arrêter aux frontières.

Erreur isolée ? Absolument pas : Lors d'une assemblée plénière du Conseil régional d'Auvergne-Rhône-Alpes (AURA), les 19 et 20 décembre 2018, le conseiller régional Bruno Desies (RN) a considéré que : « l'argument du changement climatique » était « nul et non avenu » après avoir déclaré qu'« il n'y a eu aucune augmentation de la température mondiale depuis 1998 ». Au cours de la même assemblée, son collègue Olivier Amos (RN), a estimé que “ce serait une bonne idée de faire venir des scientifiques, des vrais, c'est-à-dire des personnes qui en viennent aux faits, aux éléments tangibles, pour savoir ce qu'il en est de ce réchauffement climatique». Il proposait, en conséquence, d'inviter des signataires d'une pétition climatosceptique qui exhortait le gouvernement des États-Unis à rejeter le protocole de Kyoto de 1997. Elle comptait 31.000 signataires… dont seuls 39 d'entre eux travaillaient dans les sciences du climat.

Dommage pour la candidate d'extrême droite, les mesures de l'Organisation Météorologique Mondiale (OMM) lui donnent tort. À l'échelle mondiale, les quatre dernières années (2015, 2016, 2017, 2018) ont même été les plus chaudes jamais enregistrées.

La situation serait-elle meilleure du coté de Valérie Pécresse et de son parti, Les Républicains, (LR) ?

Le 4 octobre 2018, au Conseil Régional AURA, le conseiller spécial du président Laurent Wauquiez (LR) sur les montagnes, Gilles Chabert, « a fait remarquer que les prévisionnistes météo sont incapables de savoir si la neige va tomber dans un mois, mais anticipent ce qui se passera dans 30 ans ». Pas étonnant de voir alors les politiques écocidaires menées par Laurent Wauquiez : soutien à l'A45, au Center Parcs de Roybon, au projet de ligne ferroviaire Lyon-Turin, aux canons à neige… »

Là encore, c'est toute une vision qui est partagée par les membres du parti de droite : lors du passage de la loi Énergie-Climat à l'Assemblée nationale, le député du Vaucluse Julien Aubert (LR) relativisait la contribution de la France dans les émissions de gaz à effet de serre mondiales et défendait l'industrie nucléaire : « Nous devons regarder d'où nous partons. La France émet 4,38 tonnes de CO2 par habitant quand le Canada et les États-Unis en émettent 15 ou l'Australie 16.” Peu importe visiblement pour les parlementaires de droite qu'il faille réduire les émissions de CO2 sous la barre des 2 tonnes par habitant.

L'élu du Vaucluse a également fait parler de lui, au moment de la rencontre entre Greta Thunberg avec une centaine de députés français pour les exhorter à « écouter les scientifiques ». Julien Aubert avait alors qualifié l'adolescente suédoise de « prophétesse en culottes courtes» et de « prix Nobel de la peur», tandis que ses camarades Guillaume Larrivé (LR) et Valérie Boyer (LR) la traitaient de « gourou apocalyptique » et de « jeune activiste totalement sous emprise ».

Pour d'autres candidats encore, la lutte contre le changement climatique n'est pas une priorité comparativement à l'emploi ou à la croissance économique. Pourtant la plupart des travaux sérieux sur le sujet s'accordent à dire que le découplage entre croissance du PIB et croissance des émissions est impossible. Davantage de croissance économique, c'est davantage d'émissions, comme le montre le graphe ci-dessous :

Que proposent tous ces candidats productivistes et nucléaristes pour continuer encore plus loin, encore plus vite la course folle du … toujours plus ? La construction de nouveaux réacteurs EPR :

6 pour Pécresse et le Pen, plus que 6 pour Roussel, 10 pour Macron, 14 pour Zemmour alors même, que le Réseau de Transport d'Électricité propose 6 scénarios énergétiques pour atteindre la neutralité carbone en 2050 dont 3 permettent de se passer de nouveaux EPR. Le « scénario Négawatt » repris dans le programme de Jean-Luc Mélenchon, « l'Avenir en commun » propose même la sortie complète du nucléaire à l'horizon 2045.

Petite remarque : en 2019, le nucléaire représentait 4 % du mix énergétique mondial. Les réserves d'Uranium étaient estimées à 100 ans. Au-delà du risque d'accident et de la problématique de la gestion de déchets radioactifs, augmenter la part du nucléaire, c'est réduire d'autant la durée de la filière. Que ferons-nous dans 10 ou 20 ans avec une planète parsemée de centrales radioactives, mais sans plus aucun combustible pour les alimenter ?

Aucun de ces programmes politiques ne tient compte du fait qu'il peut y avoir un changement radical du climat. Pourtant, la manière de gouverner doit changer. Il va falloir apprendre à gouverner en état d'incertitude écologique. En effet, le changement climatique est un phénomène irréversible qui implique des modifications radicales des sociétés humaines, et dont les conséquences amèneront à leur réorganisation. D'ailleurs, le dernier rapport du GIEC insiste sur la nécessité d'adapter nos sociétés aux conséquences du changement climatique.

Jean-Luc Mélenchon, le candidat de l'Union Populaire, défend quant à lui un programme, « L'avenir en Commun » (AEC), dans lequel l'environnement a une place centrale puisqu'il choisit d'opérer une véritable bifurcation écologique. L'idée est de porter une vision : l'harmonie des êtres humains entre eux et avec la nature. Il propose notamment l'instauration d'une règle verte - c'est-à-dire le fait de ne pas prélever davantage à la nature de que ce qu'elle est en état de reconstituer. La méthode choisit est celle de la planification écologique qui permet de reprendre la main sur le temps long mais aussi de permettre à l'Etat de renouer avec son rôle de régulateur.

La France n'est pas dans les clous des accords de Paris qui prévoit, d'ici à 2030, la réduction de 40% des émissions de gaz à effet de serre (GES) par rapport à 1990. L'Union Européenne fixe un objectif à 55%. L'AEC fixe un objectif à 65 % de réduction des émissions de GES à l'horizon 2030. C'est extrêmement ambitieux mais la question n'est pas de savoir si c'est possible, mais si c'est nécessaire. Ne pas le faire, serait s'exposer à des événements climatiques aux effets terriblement destructeurs.

Sur la plan énergétique, deux axes de travail sont sur la table : investir dans les énergies renouvelables avec un objectif de 100% énergies renouvelable à l'horizon 2050 et bâtir une société de la sobriété. 

Pour autant, le candidat de l'Union populaire ne préconise pas le retour à la bougie, mais un changement dans nos modes de consommation, production et d'échange. Il est en effet urgent de réduire la consommation d'énergie. Cela conduit inévitablement à la bifurcation écologique puisque c'est l'utilisation croissante de l'énergie, pour les besoins du modèle productiviste capitaliste, qui ont conduit à la détérioration du climat. La bifurcation s'oppose à l'idée d'une transition gérable, douce, qui se contenterait de simplement vouloir accompagner le capitalisme sans remettre en cause les causes profondes du dérèglement climatique.

Diviser par deux la consommation d'énergie. Cela peut passer, par exemple, par :

  • L'amélioration du confort de vie grâce à la rénovation de l'habitat, et l'isolation thermique des logements. Ici l'écologie rejoint le social puisqu'on sait que 12 millions de nos concitoyens ne peuvent pas se chauffer convenablement.
  • La diminution des risques environnementaux avec la sortie du nucléaire à horizon 2045.
  • L'accès à l'autosuffisance énergétique avec 100 % d'énergies renouvelables en 2050.
  • La préservation des ressources avec la fin de l'obsolescence programmée, grâce à une garantie constructeur à 15 ans, un taux de recyclage à 85 % en moyenne, une réduction drastiques des emballages, la collecte et ramassage des déchets de proximité vers des déchetteries dédiées au recyclage.
  • Préserver la santé publique en diminuant de moitié la consommation de viande dont on connait les effets délétères.
  • Augmenter le SMIC, car ainsi, des gens mieux payés pourront avoir accès à une alimentation de meilleure qualité et en finir avec la malbouffe.
  • Réduire le temps de travail ; permettrait aussi, entre autre, de consacrer plus de temps pour choisir, préparer, cuisiner ou même cultiver sa nourriture.
  • Diminuer la consommation d'engrais, de pesticides. Cela créera des emplois agricoles et de la richesse parce que les paysans ont droit à une vie digne. Ce qui nécessitera la mise en place d'un protectionnisme solidaire afin éviter la concurrence avec la malbouffe à bas prix.
  • Sur le plan international, s'engager dans une stratégie diplomatique altermondialiste non alignée afin d'obtenir la reconnaissance de la responsabilité sociale et écologique des sociétés multinationales devant un tribunal international de justice climatique.

Ce sont des défis incroyables qui s'ouvrent à nous et qui vont nécessiter la mobilisation du plus grand nombre. Par exemple, pour une agriculture paysanne, il faudra créer 200 à 300 000 emplois. C'est une entreprise considérable à laquelle on n'arrivera pas d'un coup. Il faudra une montée en puissance. Il va donc falloir organiser l'impact de cette sobriété sur nos vies, selon un processus concerté, planifié.

C'est le concept central de la planification écologique qui permettra que chacun.e puisse être acteur.trice de cette transformation de la société. Comment instaurer le dialogue ? Permettre à chacun.e de jouer son rôle citoyen ? Le rouage central, essentiel, de ce processus c'est la commune, le communalisme, la démocratie communale. Parce que c'est là que, en partenariat avec les corps intermédiaires,  la démocratie est la plus entraînée, la plus approfondie, la plus enracinée. Et comme, selon le GIEC, la crise de l'eau sera la prochaine grande crise, on ne va pas attendre qu'elle ait lieu pour s'en préoccuper. Les régions auront pour tâche centrale la gestion de l'eau. Chaque région correspondra à un bassin versant. Il y en a 24 dans le pays.

L'écologie populaire ne crée pas de pénuries, c'est le capitalisme qui les crée : ça s'appelle la pauvreté.

Nombreux dans le monde, sont les pays en attente qu'un État lance un signal écologique fort pour emmener les autres pays dans cet effort qui doit être planétaire. La France doit parler au monde et c'est ce que propose le programme « L'avenir en Commun ».

L'Union populaire s'est dotée d'un plan programmatique intitulé « Mettre en œuvre la règle verte par la planification écologique » et d'un livret programmatique intitulé « La règle verte pour rompre avec le productivisme ».

Vous télécharger le livret en cliquant ici.

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