RÉSISTANCES : MARTINIQUE Vie chère, accaparement des richesses et système colonial
Le Journal de l'insoumission n°1790, novembre 2024, par Anthony Brondel
En Martinique, la mobilisation populaire contre la vie chère s’intensifie et prend des proportions insurrectionnelles. L’installation du couvre-feu n’y aura rien fait. Les incendies et pillages se multiplient. L’aéroport et les écoles ont été fermés. On dénombre au moins 3 morts en marge des manifestations. Face à la vie chère, aucune proposition n’émane du gouvernement sinon l’envoi de renforts supplémentaires.
Comme en France, la Martinique a subi l’inflation mais de manière démultipliée. 90 % des produits consommés y sont importés, avec des intermédiaires qui se gavent à chaque étape. Résultat : le coût de l’alimentation en Martinique dépasse celui de l’hexagone de plus de 40 % selon l’INSEE.
Parmi les produits les plus impactés par ces hausses de prix, les produits de première nécessité, comme la nourriture, l’hygiène mais aussi l’eau (avec une variation de prix allant au-delà des + 200 %). L’eau du robinet n’est pas de bonne qualité car polluée à la chlordécone, un pesticide utilisé dans les bananeraies. La Martinique détient le « record » du monde du cancer de la prostate.
Pour prendre la mesure des écarts de prix le site internet kiprix.com compare les prix des produits de base de la Martinique avec ceux de la France hexagonale.
Plutôt que d’agir pour limiter les marges et baisser les prix, comme l’a proposé la France insoumise dans une proposition de loi le 17 octobre 2023, le gouvernement décide de réprimer la population. Le préfet de Martinique a décidé d’interdire toute manifestation, de mettre un couvre-feu depuis le 18 septembre et d’envoyer les CRS dans certaines zones de l’île, une première depuis 1959. La situation est d’autant plus explosive qu’en Martinique le taux de pauvreté est de 27,4 % (contre 13,6 % en France hexagonale).
Les Békés, descendants des colons esclavagistes ont gardé la mainmise sur l’économie de l’île. Ils contrôlent la production, la distribution et les circuits d’importation et bénéficient de relais puissants au cœur de l’État. Les monopoles et oligopoles des békés conduisent à des prix de vente disproportionnés et complètement injustifiables, qui ne sont pas fondés sur les coûts de production.
L’une des plus importantes familles békées est la famille Hayot. Yves Hayot était l’ancien directeur général de l’entreprise Lagarrigue qui a notamment commercialisé la chlordécone. Son frère Bernard, est la 1e fortune des Antilles françaises. À la tête du groupe éponyme GBH, premier employeur de l’île, il détient plusieurs grandes enseignes de supermarchés, de vente et location de voitures, d’entreprise de Rhums, etc. dans des positions de quasi-monopole.
En réprimant le mouvement social martiniquais contre la vie chère, plutôt que d’encadrer les marges, ce sont les intérêts des békés que le gouvernement protège plutôt que ceux de la population.
Un reportage de Romain Bolzinger en 2008 décrivait ce système de domination colonial et raciste.
Dans ce reportage, on retrouve Michel Barnier, l’actuel Premier ministre, qui avait accepté, alors qu’il était à la tête du ministère de l’Agriculture, l’organisation d’une réunion avec les pays producteurs de bananes, à l’initiative des békés, puis avait défendu leur position auprès de la Commission européenne.