Nouvelle-Calédonie : Retrouver la paix civile et aller vers l’émancipation
Par Bastien Lachaud - Le Journal de l'insoumission n°1786 (juin 2024)
La crise que connaît ces derniers jours la Nouvelle-Calédonie a mis en lumière une situation peu connue dans l’hexagone. Inscrite sur la liste des territoires non-autonomes de l’ONU, la Nouvelle-Calédonie vit une situation coloniale depuis sa prise de possession par la France en 1853. Une colonie de peuplement y a été organisée. Encore en 1972, Messmer incitait à l’installation pour empêcher toute indépendance. Mais en 1988, l’existence d’un peuple premier, le peuple Kanak, a été également reconnue par le peuple français par le référendum.
Il y a 40 ans, ce qu’on appelle pudiquement les « événements », ensanglantaient la Nouvelle-Calédonie. Cette guerre civile s’est achevée par le massacre de la grotte d’Ouvéa en 1988. Les accords de Matignon-Oudinot, signés en 1988, ont rétabli la paix civile. 10 ans plus tard, l’accord de Nouméa prévoit les modalités de la décolonisation, l’élaboration d’une citoyenneté calédonienne et une organisation politique et des transferts de compétences irréversibles. 3 référendums d’accès à l’indépendance sont prévus.Même si le non l’emporte, le statut issu de l’accord de Nouméa demeure jusqu’à ce qu’un nouvel accord ait lieu au consensus. La Constitution le garantit.
Le gouvernement porte l’entière et écrasante responsabilité de la situation. C’est lui qui a rompu le consensus en imposant la date du 3e référendum, contre l’avis des indépendantistes qui ont appelé à ne pas y participer et n’en reconnaissent pas le résultat. C’est Macron qui a nommé au gouvernement une non-indépendantiste, rompant avec l’impartialité de l’État.
En quelques jours, le passage en force pour dégeler unilatéralement le corps électoral pour les élections provinciales a remis en cause presque 40 ans de paix civile. 6 morts sont déjà à déplorer, des centaines de blessés, et des dégâts matériels considérables. Le plus terrible est que rien dans la crise actuelle n’était imprévisible. Le gouvernement avait été avisé des conséquences de son entêtement. Les mêmes causes ont produit les mêmes effets. Car c’est toujours sur les vieilles cicatrices que se rouvrent les nouvelles blessures.
Tout ce qui avait permis la paix, consensus et impartialité de l’État, a volé en éclat avec la méthode macroniste de la brutalité et du passage en force.
Au lieu de résoudre la crise qu’il a lui-même créée, le gouvernement jette de l’huile sur le feu en menant une répression féroce, qui risque d’entraîner le pays
dans une spirale de la violence aux conséquences incalculables. Ce n’est pas un ordre républicain qu’il veut maintenir, c’est un ordre colonial.
La révolte contre le dégel unilatéral du corps électoral ne s’arrêtera pas avec la répression. L’issue de cette crise ne peut être que politique. Il faut que le gouvernement fasse un geste fort pour l’apaisement : il doit renoncer à convoquer le Congrès de Versailles, reconnaître l’irréversibilité des accords de Nouméa et envoyer une mission de dialogue. C’est en Nouvelle-Calédonie que les Calédonien·nes pourront définir la forme que prendra leur destin commun.
Personne ne veut du gel perpétuel du corps électoral : ça n’aurait aucun sens. Mais ce dégel doit prendre place dans un accord global sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie, qui définira la voie de son émancipation, quelle qu’elle soit, mais aussi luttera contre les inégalités criantes issues de la colonisation.
Perceval Gaillard, député de la 7ème circonscription de La Réunion, Sophia Chikirou, députée de la 6ème circonscription de Paris, Jean-Hugues Ratenon, député de la 5ème circonscription de La Réunion et Bastien Lachaud, député de la 6ème circonscription de Seine-Saint-Denis lors d’une manifestation en soutien au peuple Kanak , en lutte contre le colonialisme.