Les Jeux olympiques et paralympiques sont politiques
Quelques jours avant l’ouverture des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) de Paris, Emmanuel Macron avait décrété que ceux-ci devaient être l’occasion d’une « trêve politique ». Sur le plan national, il s’agissait pour lui de normaliser une situation de crise politique, susceptible de s’exacerber en crise de régime, ouverte par son refus du résultat des élections législatives remportées par le Nouveau Front populaire. Sur le plan international, le Président entendait balayer les demandes adressées au Comité international olympique (CIO) pour que, à l’instar des athlètes russes et biélorusses concourant sous bannière neutre à cause de l’invasion de l’Ukraine, les athlètes israéliens fassent de même en raison du massacre en cours à Gaza, que la Cour internationale de justice (CIJ) a qualifié de « génocidaire ».
Or décréter une telle « trêve » est déjà, en soi, un acte politique. Des députés-ministres d’un gouvernement démissionnaire se mettant en scène aux côtés des athlètes français, deux semaines après leur participation controversée à l’élection de la Présidente de l’Assemblée nationale : c’est de la politique. La réception à l’Élysée, bien au-delà du minimum protocolaire, du Président israélien, alors que celui-ci a déclaré qu’il n’y avait « aucun innocent » à Gaza : c’est de la politique. De même, d’ailleurs, que les ovations du public, lors de la cérémonie d’ouverture, pour une délégation palestinienne venue aussi défendre la dignité d’un peuple, alors même que plus de 300 athlètes ont été tués par Tsahal depuis le début de l’offensive israélienne. Politiques enfin, les réactions aux choix artistiques de cette même cérémonie d’ouverture qui n’a laissé personne indifférent.
Les JOP « apolitiques » n’ont jamais existé. Ils ont, dès leur refondation en 1896, constitué une tribune à dimension universelle visant à dénoncer telle ou telle situation nationale et/ou internationale. Lors de cette première édition, la Turquie avait par exemple refusé de participer puisqu’elle avait des différends frontaliers avec la Grèce, pays organisateur. En 1936, à Berlin, malgré les appels à boycotter ces Jeux organisés par le IIIe Reich formulés par de nombreuses organisations antiracistes, juives, ouvrières, féministes, socialistes, communistes ou encore démocrates-chrétiennes, les puissances démocratiques applaudiront un événement qui servira ainsi de caution internationale au régime nazi. Dans ce contexte, les victoires de l’athlète noir Jesse Owens, quadruple médaillé d’or, défendront la dignité de toutes celles et tous ceux que les nazis considéraient comme des « sous-hommes ».
Au-delà des exemples les plus marquants, pas une seule olympiade ne restera hors de l’air du temps. On se souvient des poings gantés de noir levés sur le podium en 1968 par les athlètes états-uniens Tommie Smith et John Carlos afin de dénoncer le traitement ségrégationniste infligé aux Afro-américains. Par ailleurs, les boycotts des JOP de Moscou en 1980 par les États-Unis, et ceux de Los Angeles quatre ans plus tard par l’URSS, ne doivent pas éclipser le refus de participer aux Jeux de Melbourne en 1956 de l’Irak, l’Égypte et du Liban pour protester contre l’agression franco-israélo-britannique de l’Égypte à Suez. Ou l’absence de la République populaire de Chine de 1956 à 1980 pour protester contre le hissage du drapeau de Taïwan. En outre, l’exclusion de l’Afrique du Sud de 1964 à 1992 pour cause d’apartheid devrait rappeler aux tenant·es actuel·les de la « neutralité » que cette dernière se résume généralement à accepter l’inacceptable, ce qu’a fait le CIO s’agissant du traitement infligé aux Palestiniens et Palestiniennes. En dehors de la dénonciation des atteintes aux droits humains, on ne peut accepter que, depuis les années 1980 et la mainmise du capital sur les JOP, ces derniers constituent un moment d’accélération de la mise en œuvre des logiques néolibérales (poids du « merchandising », prix des places etc.) et des nouvelles techniques de surveillance et de coercition dans les pays organisateurs.
Les JOP de Paris n’auront donc pas échappé à cette réalité. Le dénoncer, et mener une nécessaire commission d’enquête (populaire ?), n’enlève rien à l’intérêt, l’empathie, l’émotion, la joie, que l’on peut ressentir face à certains moments très forts de ces Olympiades. Mais la ferveur sportive ne saurait éclipser la dimension politique consubstantielle à la tenue même des JOP.