DOSSIER- PROCÈS DES VIOLS DE MAZAN : Le violeur, c’est l’homme ordinaire
Le Journal de l'insoumission n°1790, novembre 2024, par Anaïs Delaunay
Le procès des viols dits « de Mazan » s’est ouvert ce 2 septembre, générant une vague de colère, d’indignation et de soutien, bousculant de nouveau la société sept ans après #MeToo.
En réalité, pas grand-chose. Mazan, c’est ce que nous disent les féministes depuis longtemps, dans l’indifférence générale.
Derrière les viols de Mazan se dessine tout le continuum des violences sexistes et sexuelles. Partie d’un « simple » signalement d’un vigile de supermarché, l’interpellation de Dominique Pelicot pour avoir filmé sous les jupes de clientes va ainsi mettre fin à dix ans de viols. Dix ans pendant lesquels il a soumis chimiquement sa femme et proposé à des inconnus de la violer sur un forum en ligne.
Les viols de Mazan jettent une lumière crue sur l’étendue de la culture du viol. Ce n’est pas seulement le procès de Dominique Pelicot, mais aussi de 51 violeurs identifiés, parmi 72 hommes recensés. Tous des hommes ordinaires, de 26 à 71 ans. Pompier, militaire, gardien de prison, infirmier, journaliste, chauffeur routier, conseiller municipal… Ces « messieurs tout le monde » nous rappellent que les monstres n’existent pas, que les violences sexistes et sexuelles sont bien systémiques, et n’épargnent aucune catégorie de la société.
Les viols de Mazan, c’est un système de solidarité patriarcale qui permet aux hommes de continuer à violer en toute impunité. Selon Dominique Pelicot, 7 hommes sur 10 ont accepté, les 3 autres n’ont rien dit, n’ont pas dénoncé, se rendant ainsi complices.
Derrière les « Not All Men » niant le rôle structurant de la misogynie et du patriarcat, ce procès nous rappelle que 98 % des auteurs présumés de violences sexuelles sont des hommes, socialisés à réifier et violenter les femmes. Qu’en France, selon le Gouvernement, 217 000 femmes sont victimes de viols, tentatives de viol et/ou agressions sexuelles par an. Que 9 victimes sur 10 de viols ou tentatives de viols connaissaient leur agresseur, et que dans près de la moitié des cas, c’est le conjoint ou l’ex-conjoint qui est l’auteur des faits.
Et j’ai cessé de t’appeler papa, Caroline Darian, fille de Dominique et Gisèle Pelicot, éd. Lattes,avril 2022
La levée du huis clos met également en lumière toute la violence du système judiciaire. Gisèle Pelicot elle-même dénonce les soupçons de complicité à son égard, affirme se sentir humiliée depuis son arrivée dans la salle d’audience et comprendre pourquoi les victimes ne portent pas plainte.
Le procès de Mazan rouvre ainsi le débat sur les pistes d’amélioration du traitement judiciaire des violences sexistes et sexuelles. Il nous rappelle qu’en France, moins de 10 % des victimes portent plainte, 80 % des plaintes sont classées sans suite et seuls 0,6 % des viols aboutissent à une condamnation. Lorsqu’il y a procès, c’est au prix de violences redoublées pour les victimes, qui sont culpabilisées et dont les besoins et psychotraumatismes sont ignorés.
Parmi ces pistes, et afin de sortir de la logique de « présomption de consentement », Sarah Legrain, députée LFI-NFP de Paris a redéposé sa proposition de loi visant à intégrer la notion de consentement dans la définition pénale du viol, tombée suite à la dissolution de l’Assemblée nationale.
Gisèle Pelicot a refusé le huis clos pour que cette affaire ne soit pas jugée à l’abri des regards. Elle souhaite que l’on sache ce qu’elle a vécu, pour que cela ne se reproduise plus, et que la honte change véritablement de camp. Avec la levée du huis clos, ce procès devient alors celui de toute une société imprégnée par la culture du viol, confrontée à sa propre responsabilité.
©Aline Dessine
Depuis le début du procès, des centaines de femmes sont venues soutenir Gisèle au tribunal d’Avignon par solidarité. Des dizaines de manifestations ont été organisées et sont prévues encore partout en France, en soutien à Gisèle et toutes les victimes de violences sexuelles, les 14 septembre et 19 octobre. Des milliers de tweets et d’articles analysent le procès, jour après jour, pour y détailler les faits, les questions posées à la victime, les arguments de la défense, la négation des faits par les accusés, et dénoncer ce qu’ils disent de notre loi, notre justice et notre société. De nombreuses tribunes féministes ont été rédigées pour rappeler que le rôle de la justice est de juger les violeurs, non les victimes, et demander une loi-cadre intégrale contre les violences.
Ce n’est donc pas un procès comme les autres. Non pas parce qu’il serait extraordinaire ou « hors norme », mais par l’onde de choc qu’il provoque. Parce qu’il nous invite à questionner notre aveuglement complice, notre silence coupable. Celui des médecins, qui n’ont pas su repérer et alerter, malgré les nombreux examens médicaux. Celui des réseaux sociaux, qui se repaissent de détails sordides et sensationnels. Celui des médias, qui invitent Caroline Fourest sur leurs plateaux pour nous expliquer que « #MeToo va trop loin ». Celui des politiques d’austérité d’Emmanuel Macron, qui ont fait baisser le budget octroyé par femme victime de violences.
Pour lutter contre la culture du viol et les violences faites aux femmes, La France insoumise a formulé de nombreuses propositions dans des amendements, son livret Égalité femmes-hommes et son plan pour mettre fin aux féminicides.
Chaque année, ses député·es mènent la bataille budgétaire pour obtenir les 2,6 milliards d’euros demandés par les associations féministes. Les objectifs sont simples :