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CULTURE -THEATRE - Bonne nuit les petits ?



mardi 03 décembre 2024

Le Journal de l'insoumission n°1791 décembre 2024
CULTURE -THEATRE

Bonne nuit les petits ? 

par Stéphanie Ruffier

 

L’AIAA, compagnie de théâtre tout terrain, déjoue la comédie médiatique avec Madame, Monsieur, Bonsoir. Ce spectacle populaire et joyeusement didactique, démont(r)e les rouages du quatrième pouvoir.
Sur la place de la Révolution, un soir d’octobre, l’AIAA (Atelier d’Initiatives Artistiques et Artisanales) a trouvé le lieu ad hoc pour poser son faux plateau télé. La compagnie occupe la place publique, espace privilégié d’expression et de revendication. Si les spectateur·ices du Bitume et des Plumes, festival bisontin des arts de la rue, ont répondu présent, des badauds s’arrêtent aussi devant le dispositif. Car oui, des artistes osent encore sortir des boîtes noires ou blanches pour venir tâter le pouls d’un public plus large et bigarré.
Madame, Monsieur, Bonsoir, spectacle qui aborde le sujet des médias en démocratie, concerne chacun.e d’entre nous. Et le sous-titre, « comédie médiatique qui ne condamne pas la violence », ne laisse aucun doute sur le parti pris engagé : le conflit, débat ou action, est envisagé comme fertile.

 

Au cœur des choix éditoriaux

Tout débute par une image glamour : la reporter parachutée au milieu du théâtre de la guerre. Devant cette figure tombée du ciel, cheveux au vent sous un casque PRESS, on pense au film France où Léa Seydoux incarne la relation ambiguë au scoop, au danger et au vedettariat. L’info internationale ? Terrain miné.
Grâce à un incident de plateau, on bascule dans une conférence de rédaction puis un plateau d’info continue type BFM. Un portait du métier cruel et jouissif ! Tout réside dans l’angle et la hiérarchie des sujets. Marronniers ou dossiers qui fâchent ? L’idéal de neutralité en prend un coup.

 

Public « embedded »

La galerie de personnages est superbement campée : experte qui truffe son discours d’anglicismes et de technique, animateur trublion qui écarte tout sujet clivant, étudiants journalistes désillusionnés... Derrière le burlesque acerbe (et réaliste!) se devine un cri d’amour pour la liberté de la profession.
Inspiré par le déluge d’infos contradictoires en période Covid, ce spectacle né en 2022 a bénéficié d’un travail fourni d’enquête : de nombreux chiffres et faits sont fournis. Il invite également le public, façon micro-trottoir, à partager sa façon de s’informer et sa capacité d’action. Qui finance ? Qui est prêt à payer pour une info de qualité ?
L’infodivertissement apparaît comme une machine à moudre l’actualité réduite en dépêches, en direct stérile et en orientations qui manipulent l’opinion.  Des saynètes aussi terrifiantes que drôles montrent la place de l’autocensure, des réseaux sociaux et des propriétaires de médias. Des questions qui secouent aussi le milieu théâtral !

Les enjeux de financement, de pression des élus, de crainte des thèmes clivants le touchent vivement comme le soulignait récemment Le Monde dans son article « Le théâtre confronté à une insidieuse censure ».
L’AIAA, résolument populaire, est aussi un lieu qui fait actuellement peau neuve. Labellisé « espace de vie sociale » par la CAF des Landes, il accueille une riche programmation et d’autres activités culturelles.  Comment lutter contre la surpuissante société du spectacle et revivifier la pensée indépendante ? Un combat sinistrement d’actualité. « Pour Audrey Mallada, directrice artistique, il s’agit de « raviver des étincelles de colère », de défendre l’éducation aux médias en milieu scolaire et de croire « en une assemblée de citoyens qui cherchent à comprendre ».